À la fin 20ème siècle et au début du 21ème, de nouvelles formes d’intelligences apparaissent. Elles fonctionnent sur le modèle du web, c’est-à-dire le numérique. Dès lors, les modes de vie et de production changent, grâce à la robotisation, à la nanotechnologie, à l’intelligence artificielle. La structure des entreprises et des emplois aussi.
Certes, ces changements sont perceptibles, il y a bien longtemps, mais elles le sont davantage depuis la crise sanitaire de la Covid. Des cas pratiques ont été exposés, le mardi 13 septembre 2022, au cours de la Journée d’étude sur « Le futur du marché du travail en Côte d’Ivoire », organisée par la Fondation Friedrich Naumann, à l’hôtel Novotel, à Abidjan-Plateau.
Opportunité : changement structurel du travail par la digitalisation
Un juriste possède un cabinet de conseils. Par le passé, il était obligé de recruter du personnel permanent, avec toutes les charges salariales et sociales que cela implique, au regard de loi du travail en Côte d’Ivoire. Ces dernières années, dit-il, il procède autrement. Pas d’embauche !
« Lorsque j’ai un dossier, je vais sur une plateforme digitale dédiée au droit. Je regarde les profils, et je choisis celui qui correspond à mon besoin dans le dossier qui m’est confié par le client. Avec lui, je signe un contrat sur une période précise. Il fournit la prestation et m’envoie ses observations que j’exploite pour défendre mon dossier au tribunal. Et je le paie pour la tâche », explicite ce juriste.
D’autres exemples fusionnent dans les services à domicile. Des prestataires sont choisis, via des plateformes digitales, pour faire le ménage par semaine, entretenir les pelouses, la piscine, voire lavage des véhicules. « Voici comment cette révolution industrielle change nos habitudes. Nous n’aurons plus besoin d’avoir du personnel sur place dans l’entreprise ou à la maison, chez nous », fait observer Magloire N’Déhi, chef du bureau de la Fondation Friedrich Naumann.
Défis : des impôts échappent à l’État…
Sauf que, comme dans la dialectique du maitre et de l’esclave d’Hegel, le changement structurel du travail par le digital n’est pas sans revers. En Côte d’Ivoire, il est connu qu’autour des taxis-compteurs, par exemple, une économie puissante s’est développée depuis des décennies.
D’ailleurs, la Mutuelle des taxis-compteurs d’Abidjan (MATCA) organise ce secteur, collecte les assurances, avec des chauffeurs professionnels, des propriétaires de taxis tenus d’avoir un registre de commerce. Cet écosystème paie des taxes et impôts. Il va sans dire que le secteur des taxi-compteurs fait tourner l’économie ivoirienne par la création d’emplois stables, donc des revenus pour les individus et des ressources pour l’État de Côte d’Ivoire.
Seulement voilà ! Avec le nouveau système des véhicules de transport avec chauffeurs (VTC) engendré par l’économie numérique, autour des taxis prend un coup. Elle pourrait même, à la longue, disparaitre. Pourquoi ? Magloire N’Déhi explique : « Celui qui a son véhicule personnel à usage VTC, eh bien, il ne le déclare pas comme une entreprise, à l’image du taxi-compteur qui, lui, est clairement déclaré véhicule commercial ! »
Le grand dilemme !
En conséquence, le VTC, le nouveau système basé sur le numérique, fait du commerce sans registre de commerce, sans payer de taxes liées au secteur. Il télécharge et s’inscrit juste sur une application mobile, et le tour est joué. Il échappe ainsi à la bureaucratie, et autres formalités administratives complexes. « C’est une flexibilité, pour lui, et un avantage concurrentiel. Mais, alors, comment les services des impôts anticipent cette transformation qui aura, inéluctablement, un coup sur les ressources de l’État ? »
Là se trouve le grand dilemme. « Même si l’Etat est obligé de renoncer à ces impôts, on considère que les VTC et tous les autres secteurs en forte transformation par le digital, sont une opportunité pour la Côte d’Ivoire en termes de créations d’emplois. Plus il y a de la flexibilité, moins il y a de contraintes bureaucratiques, mieux cela vaut pour les entrepreneurs. Il faut trouver le juste milieu », tranche le chef du bureau de la Fondation Friedrich Naumann.
Les GAFAM et la 4ème révolution
À l’Etat, il ne reste qu’une seule option : anticiper pour garantir ses ressources, sans compromettre les gains des très petites entreprises. En fait, le processus est irréversible. Il intègre le nouvel ordre mondial lié à la transformation de l’industrie et de la consommation, la 4ème révolution. C’est le temps des GAFAM.
« Ils nous apportent des innovations chaque jour. Ils ont un poids inébranlable dans l’économie mondiale. Selon les prévisions du Forum économique mondial, 10% de la population mondiale porteront des vêtements connectés en 2025 ; des robots vont vendre des médicaments dans les pharmacies en 2025 ; 10 à 15% des véhicules seront sans chauffeurs en 2025 ; la greffe de foie imprimée se fera avec la technique d’impression 3D », appuie Fofana Lanciné, chef du département observatoire et marché à l’Autorité de régulation des télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire. Il est donc temps d’arrêter de danser pour penser l’avenir de ce pays…
K. Bruno avec Abou Kam