Le directeur général de l’ONECI, Ago Christian Kodia, a accordé une interview exclusive à Digital Mag. Il parle des innovations de l’ONECI dans la gestion de l’état civil et de l’identification, du Numéro national d’identification (NNI), du Registre national des personnes physiques (RNPP), de transformation digitale et adresse, à la fin, un message aux DSI et aux populations.
Quelle est la mission de l’ONECI dans l’écosystème numérique ivoirien ?
La mission de l’ONECI, avant d’être numérique, est d’abord une mission légale, celle d’offrir à chaque Ivoirien et à chaque personne vivant en Côte d’Ivoire ou même de passage en Côte d’Ivoire, une identité légale. Et cette identité légale est, aujourd’hui, une identité biométrique. Ensuite, elle va servir à l’écosystème numérique, pour qu’on ait une identité digitalisée, une identité numérique. Au bout de la chaine, il s’agit de faire en sorte que tous les services administratifs puissent être modernisés et digitalisés. Et ainsi permettre une accessibilité plus inclusive aux services que l’État met en place ou que les entreprises mettent en place.
Qu’entendez-vous par transformation digitale ?
La transformation digitale, ce n’est pas tant la mutation technique ou technologique qui se fait, mais c’est surtout la manière dont ce changement, cette technologie-là est utilisée au bénéfice de la population, c’est-à-dire comment les habitudes des gens sont améliorées, comment les services sont améliorés, comment tout le monde, de façon inclusive, peut bénéficier de ce changement-là, de cette technologie qui avance, mais aussi comment on se protège des risques liés à ces technologies. C’est tout ça qu’on met dans le terme de la transformation digitale. Et dans ce contexte, comment l’ONECI, particulièrement, peut offrir des services optimisés aux clients, sinon à la population.

Quel rôle l’ONECI joue, en tant que tiers de confiance, pour garantir l’intégrité et la sécurité des données ?
Déjà, le fait d’avoir créé l’ONECI signifie que le gouvernement a pris une mesure très importante. Il a créé un acteur qui est, justement, comme vous le dites, le tiers de confiance, qui est le pourvoyeur de l’identité légale. Chacun peut se pourvoir d’une identité en fonction de son contexte ou en fonction de ce qu’il veut afficher. Mais, ce qui doit demeurer, c’est l’identité légale, l’identité que l’État de Côte d’Ivoire reconnaît et qu’il utilise pour interagir avec lui et le protéger. Donc, l’ONECI, aujourd’hui, dans son positionnement de tiers de confiance, est la structure qui est placée au centre de l’identification biométrique des populations en Côte d’Ivoire. A ce titre, l’ONECI doit pouvoir être le catalyseur de l’interopérabilité des différents systèmes d’identification et de la population. Il doit permettre à la population de se sentir en sécurité parce que celle-ci comprendra que ses données collectées sont confiées à une structure de l’État.
Quels sont, selon vous, les principaux défis des systèmes d’information de l’administration ivoirienne ?
Le premier défi, c’est d’avoir un schéma directeur. Jusqu’à présent, des mutations s’opèrent, des transformations digitales se font, mais elles se font de façon sectorielle. Or, le citoyen, lui, il n’a pas une consommation sectorielle. Il a une consommation de l’ensemble des services de l’administration. C’est-à-dire que le matin, il peut avoir besoin des services médicaux, il peut avoir besoin des services financiers, il peut avoir besoin des services d’identification. Lorsqu’on fait l’identification de façon sectorielle, on ne permet pas au citoyen de disposer du plein potentiel des transformations digitales. Aujourd’hui, on souhaite qu’au niveau de l’administration, on puisse avoir un schéma directeur, comme un plan d’urbanisation, qui donne la vision globale en matière de digitalisation, d’impulsion de la technologie pour le service à la population.
Ensuite, vient la question de la mutualisation, la question financière, parce que chaque digitalisation qu’on fait de façon sectorielle, ce sont des dépenses sectorielles qui nous fragilisent. Chacun va avoir son propre système de sécurisation, son propre système de communication, son propre data center, alors qu’on parle tous de la même chose. C’est ce qui fait que ça coûte plus cher. Si on mutualise, et qu’il y a un provider ou quelqu’un qui sert les autres administrations, alors on aura un schéma directeur de développement cohérent.
Quelques innovations technologiques à l’ONECI ?
L’ONECI a permis aux autres administrations d’avoir accès à ses bases de données. Cela veut dire que le citoyen, dans toutes les plateformes mises en place par le gouvernement, peut avoir accès aux ressources de l’ONECI. On a aussi digitalisé plusieurs de processus. On a fait en sorte de minimiser la présence physique du citoyen dans nos locaux. Donc, on interagit aujourd’hui, au niveau de l’ONECI, pour savoir où est le statut de sa demande de CNI, pour payer un timbre, pour faire des réclamations et demander des changements ou corrections sur ses documents. Le processus se fait en ligne dans ce qu’on appelle notre bureau virtuel, qui est accessible sur les plateformes et qu’on peut télécharger. Nous sommes aussi passés à la digitalisation de la carte nationale d’identité à travers MyONECI+, et bien d’autres services pour connaitre son statut, en ligne.

Parlons du NNI. Qu’est-ce que c’est ?
Le NNI (NDLR, Numéro national d’identification), c’est l’élément principal du RNPP. Le RNPP, c’est le Registre national des personnes physiques. Il repose sur le Numéro national d’identification, qui est un numéro unique attribué à chaque individu. Si on veut parler du NNI, il y a trois choses à savoir. D’abord, le référentiel du NNI qui est un chiffre composé de façon aléatoire et qui est unique. Ensuite, l’état civil, c’est-à-dire l’identité légale de la personne. Enfin, le troisième élément qui est la biométrie. C’est l’association de ces trois éléments qui forment un référentiel reconnu par le NNI et qui va vous guider.
Et comme on sait que votre biométrie ne varie, votre NNI y est associé. Donc, vous pouvez, de façon légale, continuer à interagir avec le NNI. Toutes les procédures d’interopérabilité, vos déplacements, votre carte d’identité, tout ça est lié au NNI. Donc, c’est l’élément principal de la digitalisation de l’identité, de l’identité numérique. Aujourd’hui, nous sommes heureux de dire qu’on approche les 10 millions de personnes à qui on a attribué un NNI. Donc, on encourage les gens à venir s’identifier. Que vous soyez Ivoirien ou non-Ivoirien, vous avez une identification qui vous attribue un NNI. Et nous sommes en train de faire en sorte que, même dans les maternités, on attribue déjà un NNI aux nouveau-nés.
En dehors de l’ONECI, quels autres services publics ou privés utilisent le NNI ?
Le NNI est à la disposition de toutes les administrations. Dans le cadre de l’interopérabilité, toutes les démarches administratives – il y a même un décret qui l’institue – doivent se faire à partir du NNI. Ça veut dire qu’on doit pouvoir aller, et à très brève échéance, à ce que même votre compte contribuable soit lié à votre NNI, que votre numéro de sécurité sociale, que votre numéro de CMU soit lié à votre NNI, que votre numéro matricule dans une entreprise soit lié à votre NNI.
Comment la digitalisation de l’état civil et de l’identification est-elle rendue accessible aux populations vulnérables ?
Aujourd’hui, le taux de pénétration du téléphone mobile est très élevé en Côte d’Ivoire. Toutes les plateformes disposent aussi de leurs applications mobiles téléchargeables. Nous, à l’ONECI, on veut digitaliser au maximum et faire en sorte que grâce à la vérification des informations en amont, certaines procédures soient raccourcies. Et donc, faire en sorte que l’accessibilité soit possible sur nos plateformes.
Ensuite, il y a une phase de communication pour que les gens les utilisent avec aisance, y compris les populations vulnérables. Si on apporte la même crédibilité à notre processus digital que lorsque la personne vient dans notre bureau, elle n’aura plus besoin de venir chez nous. Mais, si le processus à distance n’a pas le même rendu, la même compréhension de sécurité ou de satisfaction du client que lorsqu’il vient dans notre bureau, il aura toujours tendance à se rendre dans nos bureaux. Donc, malgré la digitalisation, les gens vont toujours se rendre dans nos bureaux.
Alors, il faut leur donner le même niveau de crédibilité et de satisfaction, qu’ils soient dans le mode digitalisé ou qu’ils se déplacent pour que de moins en moins, les gens se déplacent vers nous, parce que quand c’est digitalisé, c’est plus rapide et surtout, c’est un gain de temps et de ressources. Par exemple, au lieu de dépenser les 2 000 francs, 3 000 francs pour payer le transport jusqu’à une agence ONECI, la personne peut garder ses 2 000 francs et s’acheter autre chose.
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux acteurs publics et privés ?
J’ai trois messages. Le premier, c’est à l’endroit des décideurs. Je leur dis que le RNPP aujourd’hui, c’est une réalité. Pour avoir accès aux informations, par exemple, le nom des parents, la biométrie, etc., il suffit d’avoir l’accord du régulateur, l’ARTCI, dans un document signé, et l’ONECI est disposé à mettre toutes ces informations à leur disposition. L’ONECI a une position, aujourd’hui, de tiers de confiance, de catalyseur de l’information et de mise en œuvre de l’interopérabilité pour qu’on soit sûr en Côte d’Ivoire de donner des informations crédibles pour protéger notre économie, protéger la vie du citoyen et lui permettre d’avoir accès aux services administratifs et aux services sociaux de base.
Le deuxième message, c’est à l’endroit de tous les directeurs des systèmes d’informations (DSI) des entreprises privées et des administrations publiques. L’ONECI leur dit que, dans la conception de leur produit, de leur système d’information, qu’ils n’oublient pas d’inclure le RNPP et le NNI et de venir vers nous pour avoir les accès qui vont faciliter leur travail, sécuriser leur système d’information, et leur permettre de mieux connaître leurs clients. L’ONECI est à leur disposition.
Le troisième message, c’est aux populations. Venez-vous faire enrôler, venez retirer vos cartes nationales d’identité. La carte nationale d’identité est produite, aujourd’hui, dans un délai maximum de 10 jours, lorsque tous vos documents sont corrects. Et même si vos documents ne sont pas corrects, nous avons des mesures d’accompagnement pour vous aider à avoir une identité légale. Si vous n’êtes pas Ivoirien, on vous donne votre carte de résident, si vous êtes Ivoirien, on vous donne votre carte nationale d’identité. Au niveau de l’état civil, commencez à faire les déclarations aux différents maires et aux officiers d’état civil. Enfin, adoptez la solution du site web qui est la version digitalisée de l’état civil de l’ONECI.