Combinaison IoT et IA, cybersécurité des infrastructures critiques eau et électricité, optimisation de la productivité, adoption des technologies par les hommes… Antoine Djigbenou, directeur général adjoint en charge du système d’information du GS2E, regroupement des services de l’eau et de l’électricité en Côte d’Ivoire donne des éclairages dans cette interview exclusive.
Quel est l’état des lieux de la digitalisation dans votre entreprise ?
Alors l’état des lieux de la digitalisation au sein du GS2E, c’est un vaste chantier. On était à un moment donné arrivé à consolider un certain nombre d’acquis et puis avec l’avènement de certains chantiers majeurs, l’état du système d’information sur un certain nombre de thématiques est arrivé à pleine maturité et sur d’autres thématiques, on est vraiment dans un très beau chantier qui, je l’espère, sera accéléré et terminé dans les deux, trois prochaines années.
Quels sont les outils technologiques que vous utilisez le plus ?
Les objets connectés, d’une part, et l’intelligence artificielle, d’autre part, ont fonctionné, pendant de nombreuses années, dans des silos différents. L’IoT a complètement modifié la manière avec laquelle les entreprises produisent, contrôlent et améliorent leurs performances. L’intelligence artificielle, quant à elle, a connu une histoire remarquable sur les trois dernières années avec la montée en puissance de technologies qui imitent de mieux en mieux les interactions humaines. Le mélange de ces deux technologies qui finalement n’en font qu’une aujourd’hui dans notre environnement a, pour moi, décuplé le champ des possibles.
Et au milieu de tout cela, on a l’homme qui devient un homme augmenté. Dans notre entreprise, au sein du GIE, nous avons un métier qui est principalement industriel puisqu’on accompagne des entreprises majeures dans le secteur de la distribution de l’eau, de l’électricité, mais aussi de la production. Dans ces entreprises industrielles, l’utilisation de capteurs ou d’objets connectés permet de récupérer de l’information très rapidement, de l’analyser et de prendre des décisions.
Plus simplement, qu’est-ce que cela implique ?
Quand je dois, par exemple, produire de l’électricité et que j’ai des turbines qui doivent fonctionner, il peut arriver que ces turbines chauffent, qu’elles atteignent une certaine température. Quand je dois, dans un processus de production aussi, surveiller différents composants, plutôt que d’avoir un homme qui va passer toutes les 30 minutes et prendre des métriques, si j’ai un capteur qui est positionné et qui prend des métriques, il pourra non seulement relever ces métriques, mais au-delà de ces métriques, aller encore plus loin si je dispose d’autres capteurs.
Plutôt que, par exemple, de regarder seulement la force du bruit ou la fréquence de rotation, il pourrait, également, me donner la température qu’il y a sur le capteur en temps réel. Et plutôt que de collecter cette information à pas horaire, je vais pouvoir la récupérer toutes les 5 minutes, toutes les 10 minutes, et je pourrai prévoir que cette machine va avoir un dysfonctionnement dans X temps si je n’interviens pas tout de suite. Peut-être prenons un exemple encore plus terre-à-terre.
Allons dans le monde de la santé. Il y a certains patients, par exemple, qui souffrent de diabète. Vous savez que le diabète, il faut surveiller son taux de sucre. Si je mets dans votre bras un capteur qui vous donne toutes les 30 secondes ou chaque minute votre taux de sucre, dès que vous mangez du chocolat, dès que vous mangez quelque chose de sucré, automatiquement, vous avez une alerte qui vient sur votre téléphone pour vous demander d’arrêter parce que si vous continuez, ça va venir altérer votre santé. C’est la même chose dans le monde industriel.
Et quels avantages en tirez-vous dans le monde industriel ?
Si je veux optimiser ma manière de produire, de contrôler, d’améliorer ma performance, ces technologies-là me permettent clairement de capter une information et de la traiter. Et c’est dans le traitement que l’intelligence artificielle prend toute sa place et nous permet de faire des gains de temps qui sont extrêmement performants. Je vais coupler l’IA à l’IoT et à la fin de la journée, je me retrouve avec une décision à prendre et même des suggestions de décision à prendre. Cela revêt un avantage capital pour toute entreprise qui veut améliorer sa performance.
Quels sont les défis de cybersécurité pour les services de l’eau et de l’électricité qui sont critiques pour le pays ?
Nous, on est dans une délégation de services de l’eau et de l’électricité qui sont assurés par les membres du GIE que sont CIE et SODECI et qui sont clairement établis et définis. On est un support. Effectivement, sur la dimension de cybersécurité, même de sécurité physique au sens large, nous, on intervient surtout sur la partie cybersécurité de la composante informatique autour de la continuité de services de ces entreprises qui sont, comme vous l’avez dit, des services essentiels. D’abord, il faut savoir que l’Etat de Côte d’Ivoire aussi est engagé dans cette démarche-là à nos côtés avec plusieurs initiatives qui ont déjà été mises en place.
Et, à notre niveau, on vient apporter une vigilance accrue sur, à la fois la sécurité des données, l’accès au système d’information, la protection de notre espace. Vous savez, pour moi, le risque zéro n’existe pas. Donc, en matière de cybersécurité, on est vraiment dans un processus, dans une boucle d’amélioration continue. On sait qu’on gère des infrastructures critiques, on ait qu’on gère des données critiques. Donc, on essaie de se faire auditer de manière régulière.
Mais comme je le dis, le risque zéro n’existe pas. Et en termes de cybersécurité, il faut faire vraiment preuve de grande humilité tout en travaillant à améliorer de manière constante, tout en faisant intervenir des professionnels dans différents domaines, des cabinets internationaux pour regarder et nous accompagner sur ces aspects. Localement aussi, on développe un tissu, donc on intègre des collaborateurs qui ont fait ces études-là localement. Mais tout l’aspect certification et qualité autour de la cybersécurité est encadré aujourd’hui dans un processus qui, pour moi, s’inscrit dans l’amélioration continue.
Sur la cybersécurité, le facteur humain est souvent indexé comme un grand risque…
Alors clairement, aujourd’hui, le facteur humain, est le plus gros risque. J’ai envie de dire que vous pouvez avoir la voiture la plus belle du monde, la voiture la plus sophistiquée, qui peut être bourrée de plein de capteurs, mais si le conducteur est ivre et qu’il commence à rouler à 200, 250 km/heure, forcément, la voiture ira dans le décor. Je prends cet exemple-là pour le ramener à la cybersécurité.
Là, on a pris l’exemple d’une personne qui, entre griffes, n’est pas consciente
Mais, prenons l’exemple d’une personne qui, consciemment, détruit, c’est un cas qui peut arriver, ou une personne qui ne sait pas, mais qui est utilisée, par exemple, pour détruire. L’homme, dans la cybersécurité, est le plus gros risque. Vous savez qu’aujourd’hui, les cyberattaquants utilisent l’IA pour attaquer, s’intégrer et améliorer leur méthode d’attaque. Nous aussi, nos hommes sont formés, sensibilisés. Et puis, bien sûr, la confiance, n’excluant pas le contrôle, naturellement, on met en place des mécanismes toujours plus forts pour nous assurer que le facteur humain, bien qu’étant significatif, deviendra de plus en plus limité.
Moi, je parle de plus en plus d’hommes augmentés, je pense qu’on est tous engagés vers ce pas. De toute façon, qui aura vraiment le choix ? Donc, dans la gestion de la cybersécurité de manière très large, et dans tout ce qu’on est en train de faire aujour’’hui comme projet de transformation majeure, naturellement, la cybersécurité s’invite au même titre que la transformation, 50-50.
Quels sont vos grands défis technologiques ?
Alors, les défis majeurs pour moi, dans les chantiers qu’on gère, sont d’améliorer le taux d’adoption et d’utilisation. Vous parliez tout à l’heure du facteur humain. Ici, je vous renvoie à la conduite du changement. Implémenter toute nouvelle technologie ne se fait pas sans bousculer des lignes. On avait une manière traditionnelle de fonctionner, on va apporter de nouvelles méthodes qui sont beaucoup plus abouties. Mais encore faut-il que ces méthodes soient adoptées. Dans l’histoire de l’humanité, des hommes ont déjà inventé des voitures qui allaient sur l’eau. Aujourd’hui, où sont-elles ? Elles n’ont pas été adoptées. Pourquoi ? Parce qu’on utilise peu la voiture et l’eau pour se déplacer. Le besoin existait, mais ce besoin ne concernait pas une grande partie de la population.
Par contre, quand je reviens dans l’entreprise, on a des besoins essentiels qui ont été peaufinés, améliorés. Et on a conçu des solutions qui répondent à des problèmes, et des réponses qui normalement améliorent la productivité des entreprises. L’amélioration de la productivité peut ne pas être partagée par tous. Tout le monde vient dans l’entreprise pour en améliorer les performances, mais tout le monde n’est pas apte à se laisser conduire par la transformation. Il faut exposer toutes les parties prenantes à la compréhension des enjeux, au partage des gains que cela peut générer, et puis à une véritable stratégie d’intéressement.
Il faut ici que les collaborateurs jouent le jeu. L’intéressement n’est pas que financier, pécuniaire. L’intéressement, c’est aussi le développement de capacités intellectuelles. Si, en utilisant ces nouveaux outils, j’améliore mon savoir, ma prise de décision, je comprends que j’ai un intérêt, eh bien, je vais jouer le jeu.
Un message de fin ?
On est souvent en face de choix dans la vie. C’est-à-dire que quand on emprunte un chemin, soit on peut s’arrêter sur le chemin, soit on peut avancer, et puis choisir la bonne voie dans tout ça. Les entreprises industrielles, africaines, même pas qu’ivoiriennes, devraient, pour moi, saisir l’opportunité d’accélérer l’automatisation dans leur processus. Et l’utilisation, à la fois de l’intelligence






































