Face à l’intelligence artificielle, l’Afrique fait face à un triple défi : encadrer son usage, produire ses propres données, et former les talents pour la développer localement. Dans cette interview accordée à Digital Mag, Cyprien Ekra, CEO d’Afro Data Security, appelle à une gouvernance éthique de l’IA, fondée sur des data centers souverains et des compétences locales.
Comment instaurer une gouvernance transparente autour de l’IA en entreprise ?
Pour instaurer une gouvernance claire et précise autour de l’IA en entreprise, il faut d’abord aller à l’échelle nationale. C’est une technologie émergente qui doit être régie par un cadre juridique, réglementaire et législatif. Et une fois que ce cadre législatif, réglementaire et juridique est mis en place, on peut l’exploiter.
Il est aussi important de définir tout ce qui est procédure et processus. Après cela, il y a de la sensibilisation à faire pour faire connaître aux différents patrons et employés, ce que c’est que l’IA et comment l’utiliser. Après la sensibilisation, on fait la formation. Et après la formation, on accompagne chaque acteur de l’entreprise à bien l’exploiter dans son environnement, dans son contexte, pour que ce soit le plus productif pour lui. En suivant ces étapes-là, on peut avoir une bonne appropriation de l’IA au sein de nos entreprises.
Que devons-nous faire, selon vous, pour développer notre propre IA ?
Pour développer notre propre intelligence artificielle, il faut premièrement que nos autorités, nos patrons, prennent conscience de l’importance qu’on ait nous-mêmes, nos IA. Pourquoi c’est important ? L’IA ne connaît pas forcément le nom « Kouadio », par exemple. L’IA, dans certaines classifications, peut discriminer quand ce n’est pas bien contextualisé. Après la sensibilisation, il faut former. Il faut qu’il y ait de l’expertise locale capable de produire. Et puis derrière, après la production, il faut l’exploitation de l’IA dans nos différents domaines d’activité.
Il faut des données pour produire l’IA. De quelles données avons-nous besoin pour développer cet outil localement ?
Effectivement, il faut qu’on ait des données parce que la plupart des centres de données ne sont pas en Afrique. Les statistiques parlent de 2% de nos données seulement qui sont hébergées en Afrique. Donc, il est important qu’on crée de grands centres de données sécurisés. C’est vrai que ça nécessite de gros moyens, mais ces centres de données souverains, leur prix, c’est le prix de notre souveraineté. Une fois que ces centres de données sont construits, la production de nos données se fera quand on aura formé nos acteurs. Donc, c’est nous-mêmes qui allons créer nos données, et qui allons les héberger dans nos centres. Ce qui nous permettra d’exploiter nos IA sur la base de ces données. Ainsi, les IA vont refléter beaucoup plus notre réalité, notre vécu africain en général, et ivoirien, en particulier.
Que doit faire une entreprise qui souhaite intégrer l’IA dans ses activités ?
Alors, le conseil à donner à une entreprise qui souhaite intégrer l’IA dans son domaine d’activité, c’est qu’il faut impliquer tout le monde, et cela passe, comme je l’ai dit, par la sensibilisation. Donc, du DG au dernier employé, il faut sensibiliser pour faire comprendre l’importance de l’IA, pour que les gens n’aient pas peur. Après cela, il faut de la formation pour permettre à chacun de savoir comment utiliser l’IA dans son domaine précis. Ensuite, il faudra les accompagner dans la résolution d’éventuels problèmes liés à l’utilisation de ces outils. N’oublions pas le cadre réglementaire et législatif, qui doit nous permettre d’utiliser l’IA, non seulement de façon sécurisée, mais surtout de façon éthique.






































