Christophe Legrenzi est ingénieur en informatique de gestion et en informatique industrielle. Il est également docteur en sciences de gestion, en commerce international et professeur associé à l’Ecole des mines Paris Tech. Il était panéliste Eranove Academy, tenue le 3 avril dernier au Plateau, autour du thème : « L’impact de l’IA sur l’éducation ». Il situe l’importance de l’IA dans les curricula du système éducatif ivoirien dans cette interview exclusive à Digitalmag.ci.
Quelles sont les missions d’Acadys ?
Nos missions à Acadysn c’est d’accompagner les entreprises dans leur transformation digitale, et il y a un point d’orgue parce qu’on investit à peu près 10 à 15% de chiffre d’affaires dans la R&D, pour donner le meilleur à nos entreprises clientes, qu’elles soient publiques ou privées. Car le grand défi aujourd’hui c’est de créer de la valeur, c’est-à-dire informatiser c’est facile, mais s’informatiser en créant de la valeur et en transformant les organisations, c’est beaucoup plus compliqué.
Avez-vous des partenariats avec les entreprises locales ?
Oui, tout à fait. Avec Eranove notamment. Je fais des formations en Côte d’Ivoire depuis plus d’une vingtaine d’années pour différents organismes. L’idée, c’est de pouvoir utiliser les meilleures méthodes et techniques pour essayer d’optimiser la création de valeur. Nous travaillons donc avec les métiers pour identifier les cas d’usages à plus forte valeur ajoutée. Nous sommes, à cet effet, très fier qu’Eranove soit véritablement à la pointe pour investir dans l’IA, mais surtout pour créer de la valeur.
Quelles sont vos solutions pour réinventer l’éducation avec l’IA en Côte d’Ivoire ?
Nous avons pu démontrer que la façon aujourd’hui d’éduquer et d’enseigner était complètement dépassée. On parle maintenant de pédagogie inversée, une pédagogie nouvelle. L’étudiant est au centre du dispositif, on lui donne accès à toutes les ressources, on lui explique comment faire la différence entre les contenus de valeur et les contenus qui n’amènent aucune valeur ajoutée. Et à partir de là, on le rend apprenant, c’est-à-dire il se prend lui-même en charge dans son parcours d’apprentissage. Donc, c’est vrai que là, l’IA est assez extraordinaire parce qu’elle va permettre aux étudiants d’interagir avec des savants comme s’ils étaient dans leur chambre. Ils peuvent préparer des cours et voir un certain nombre d’expériences qu’ils ne verront jamais dans une classe classique. Cela va permettre d’élever le niveau pour tendre vers ce qu’on appelle l’étudiant augmenté.
Qu’en est-il de l’enseignant augmenté ?
Effectivement, ça ne sert à rien d’augmenter l’étudiant si on n’augmente pas les enseignants. Il est clair que les enseignants voient leur métier complètement transformé. L’enseignant doit revoir sa façon d’enseigner, c’est pour ça qu’on parle aussi de pédagogie inversée. L’enseignant va demander aux élèves d’abord de se renseigner sur le sujet et quand ils arriveront en cours, ils vont expliquer ce qu’ils ont compris et ils vont surtout essayer de mettre en œuvre. Donc, l’enseignant va accompagner les étudiants pour savoir si leurs connaissances sont vraies ou fausses. Il va corriger dans ce mécanisme, de même que la mise en application de ces connaissances.
Quelles méthodes à base d’intelligence artificielle, conseillez-vous aux étudiants ivoiriens pour optimiser leur apprentissage ?
En termes d’outils, il faut savoir que dans l’IAG (L’intelligence artificielle générative), on va se baser sur des LLM (Large Language Models). Il faut d’abord choisir les bons, parce que les principaux ont été entraînés par des données d’autres régions du monde, notamment les données américaines. Et donc, ce que nous recommandons, c’est que ces LLM soient adaptés. Ça s’appelle raguer, c’est-à-dire qu’on va faire apprendre aux outils IAG toutes les spécificités du pays.
Ensuite, il faut donner aux étudiants les techniques sur comment interroger ces LLM, à travers des techniques de Prompt Engineering. Comme le RCTD (Rôle, Contexte, Tâche, Dirigeabilité), la méthode REACT et la méthode des arbres de pensée. Ces techniques vont leur permettre de tirer toute la quintessence de ces bibliothèques. Un LLM, c’est d’abord et avant tout une encyclopédie géante qui est à notre disposition, à condition de savoir l’exploiter et l’interroger.
Si vous-même, vous n’avez pas de questions, elle vous en propose. Donc, je pense que l’idée, ce n’est pas de voir l’enseignement comme une charge, mais comme quelque chose qui va permettre à la jeunesse IA de grandir, de profiter de ces outils qui sont fantastiques. Aujourd’hui, on peut estimer que si vous les utilisez bien, en deux ans, vous allez gagner 5 ans à 10 ans d’études.
Entretien réalisé
Par James Kadié