Au cours de l’édition 2024 des Assises de la transformation digitale en Afrique (ATDA), le 20 novembre 2024, à Abidjan, le directeur général de Smart Africa, Lacina Koné a mentionné, dans son discours, la réglementation comme un ennemi de l’innovation en Afrique. Décryptage.
Avec 44 % de sa population connectée à internet, l’Afrique avance avec un boulet au pied, nonobstant les infrastructures mondiales capables de couvrir 96 % des habitants de la planète. Les câbles sous-marins à haut débit, combinée aux technologies satellitaires, ne suffisent toujours pas à combler ce gap. Comment expliquer qu’un continent bénéficiant d’un potentiel technologique considérable peine à atteindre des niveaux de connectivité comparables à d’autres régions du monde ? Une analyse approfondie révèle que la réglementation joue un rôle déterminant dans cette stagnation.
La réglementation, nœud gordien de la connectivité
Contrairement à des nations comme Singapour ou l’Estonie, où des cadres réglementaires favorables stimulent l’innovation, de nombreux pays africains imposent des règles rigides, souvent inadaptées aux besoins du secteur technologique. Lacina Koné, directeur général de Smart Africa a fait quelques analogies pour démontrer que la réglementation, ou son absence, est l’un des principaux nœuds gordiens du développement technologique en Afrique.
Selon lui, le cas du Kenya, où Safaricom a révolutionné les transactions numériques avec M-Pesa, sans attendre l’intervention du régulateur, est un modèle à suivre. Idem pour le Rwanda qui a adopté une approche pragmatique avec la réglementation des drones. Une action qui place aujourd’hui le pays parmi les leaders mondiaux dans ce domaine. Pour lui, ces modèles prouvent que l’innovation éclot lorsqu’elle est soutenue par une régulation pour le développement, et non entravée par des règles obsolètes.
Le “mindset of disruption”, comme première solution
L’Afrique doit, en fait, adopter une disruption réglementaire pour libérer le potentiel de son écosystème technologique. Cela implique une révision en profondeur des politiques existantes pour répondre aux exigences spécifiques de la transformation numérique. Il ne faut pas tuer l’innovation. Les États africains doivent, pour ce faire, établir un cadre flexible qui s’adapte aux avancées technologiques. Puis, les régulateurs doivent être formés et sensibilisés à l’innovation pour anticiper les besoins des startups et des opérateurs.
À ce propos, Ange Frédérick Balma, fondateur de Lifi-Led, a expliqué, lors d’un panel qu’il a co-animé aux ATDA, qu’il a reçu un meilleur accompagnement en Europe qu’en Côte d’Ivoire, son pays. Rappelons que sa startup développe la transmission d’internet par la lumière. Toute chose qui appelle, dans le secteur privé, que les entreprises collaborent avec les autorités pour concevoir des politiques qui équilibrent les besoins économiques et les exigences légales.
In fine, en tant que catalyseur du changement, la société civile doit sensibiliser les populations aux enjeux technologiques et défendre des cadres inclusifs pour garantir que les bénéfices de la connectivité profitent à tout le monde. L’heure n’est plus aux diagnostics, mais à l’action. Les décideurs africains ont la responsabilité de consentir à une vision “éclairée” et audacieuse pour transformer la connectivité en un moteur de croissance et d’inclusion.
James Kadié