Les progrès réalisés dans le champ de la robotique et de l’intelligence artificielle (IA), l’essor de l’Internet des objets, le traitement des données de masse (big data) ou l’émergence de l’impression 3D alimentent aujourd’hui des inquiétudes autour d’un « futur sans emploi ».
Intelligence artificielle contre intelligence humaine
« La guerre des intelligences : intelligence artificielle contre intelligence humaine », titre du livre de l’auteur français, Dr. Laurent Alexandre, chirurgien neurobiologiste, Enarque, fondateur de Doctossimo, annonce les couleurs. Selon Emmanuel Macron, président français, des dizaines de milliers d’emplois dans la banque, par exemple, sont menacés, voire déjà détruits par l’intelligence artificielle.
Le phénomène n’est pas nouveau. En France, on comptait 29000 porteurs d’eau à Paris, au début de 20ème siècle. Ces emplois ont disparu à l’arrivée de l’eau courante. Quels sont alors, au 21ème et aux siècles futurs, les métiers menacés de disparition ? Pourquoi l’intelligence humaine doit-elle faire des mises à jour pour devenir complémentaire de l’intelligence artificielle ? Qui sont les perdants et qui sont les gagnants de la guerre des intelligences ?
La transformation numérique des banques
Le développement de la finance technologique (Fintechs) dispute un secteur qui était jusque-là relativement protégé : la banque. Les effectifs des agents de guichets, les téléconseillers, les employés de services techniques et les commerciaux, connaissent une réduction drastique.
En Côte d’Ivoire, les chiffres sont inexistants, mais, en France, ils se situent à 39% entre 1986 et 2016. La plus forte baisse concerne la période 2010-2020 avec une chute de 22% des effectifs qui correspond à l’émergence des technologies financières, mais aussi de la digitalisation de la plupart des services bancaires.
La comptabilité : extinction du métier en cours
Des logiciels intelligents dédiés effectuent les tâches comptables sans intervention humaine. En conséquence, les effectifs d’employés de comptabilité sont globalement en baisse. Toujours en France, pays de référence des Etats africains francophones, depuis 2004, les personnels de comptabilité ont diminué de près de 23%.
À cela s’ajoute l’externalisation du métier. La période d’extinction est si proche que les jeunes en formation de comptable ne pourront exercer ce métier toute leur vie. Ils seront obligés de se réorienter, de suivre une nouvelle formation au cours de leur carrière. Ou de périr au chômage.
Secrétaires : menace des assistants numériques personnels
Les assistants numériques personnels permettent aux dirigeants et cadres d’entreprises de réaliser eux-mêmes bon nombre d’actes administratifs. Une tendance fatale pour les secrétaires bureautiques et les secrétaires de direction.
D’ailleurs, la diffusion et la massification de technologies bureautiques accessibles à tous a entraîné une baisse de 26% des effectifs, en France. Outre le volet technologique qui permet à une intelligence artificielle de se substituer à l’intelligence humaine, on observe l’externalisation du métier. Autrement dit, des prestataires de services offrent à leurs clients la possibilité de faire appel à eux de manière ponctuelle.
Manutention : les robots chassent les muscles
Le métier de manutentionnaire, combinant celui des ouvriers qualifiés et non qualifiés, est, lui aussi, en voie de disparition, depuis l’introduction de technologies permettant de déplacer de lourdes charges, sans utiliser les muscles des dockers.
Parmi elles, les robots utilisés dans les entrepôts des géants de l’industrie d’e-commerce. Affranchis de tout besoin physiologique, ils permettent une plus grande productivité. Baidu, le géant d’e-commerce chinois, emploie 60 robots dans ses entrepôts. Ceux-ci portent jusqu’à 500 kilos de marchandises, en fonctionnant sans arrêt. Ils ont permis une progression de la productivité de plus de 300%. Ici, la force et l’intelligence humaines disparaissent. Progressivement.
Conducteurs de véhicules contre véhicules autonomes
Quant aux conducteurs de véhicules, ils sont sous la menace des véhicules autonome. Des véhicules de niveau 5, c’est-à-dire suffisamment intelligents pour ne nécessiter aucune intervention humaine, permettront aux individus de se déplacer très facilement sans avoir à rémunérer un conducteur humain.
La préférence pour le véhicule autonome s’exprimera à la fois du côté des employeurs dans le secteur du transport de marchandises et de personnes, par souci d’économie en termes de masse salariale ; mais aussi côté consommateur, où les clients des taxis et VTC choisiront le transport le moins coûteux, donc celui sans chauffeur.
Orthodontiste, radiologue, caissier, employé de services, tous à la dérive !
« Orthodontiste, oui, c’est un métier qui va muter radicalement. L’intelligence artificielle est capable de définir le meilleur traitement orthodontique, et faire une impression en 3D des empreintes transparentes qui remplacent les bagues. Il n’y a plus besoin pour l’orthodontiste de bosser. Et c’est fabriqué en Californie, en face de chez Google », explique Dr. Laurent Alexandre. Pareil pour la radiologie. L’intelligence artificielle est plus outillée pour détecter un cancer.
Pour le reste, les métiers de caissier et d’employé de libre-service disparaissent lentement mais surement sous l’effet de la robotisation. Dans les supermarchés, les stations-services, les caisses automatiques fleurissent et réduisent la masse salariale. Pour l’intelligence humaine occupant, cela signifie la possibilité de ne plus exercer un métier.
Qui sont les fabricants de l’intelligence artificielle ?
La liste non exhaustive des perdants de la guerre des intelligences connues, qui en sont les gagnants ? Qui sont les firmes qui se cachent derrière l’intelligence artificielle ? Il y en a de deux types.
D’abord, les entreprises possédant l’intelligence artificielle, nous avons les GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazone et Microsoft, les géants américains de la tech. Fait notable, aucune entreprise européenne ou africaine n’y figure. « Nous, on est les crapauds », ironise Dr. Laurent Alexandre. La Chine mène la concurrence aux Etats-Unis avec les BATX : Baidu, Ali Baba, Tencent, Xiaomi.
Ensuite, côté humain, dans une économie de la connaissance et de l’intelligence artificielle, il est évident et clair, comme la lune en saison sèche, que les gens les plus intelligents, les plus doués, les plus innovants, seront les maitres du monde. Dans un futur proche. À l’inverse, les gens les moins doués seront des parias. Et les pays des sous doués, des nations sous-développées.
Dans ces conditions, l’Education nationale devrait peut-être cesser de s’occuper de ses problèmes syndicaux internes pour s’occuper du futur. Des cellules de prospective pourraient réfléchir à l’avenir des métiers, à l’avenir de l’intelligence artificielle pour orienter nos enfants vers des endroits où ils seront complémentaires de l’intelligence artificielle, plutôt que vers des endroits où ils seront laminés par elle.
Dossier réalisé
Par K. Bruno