Lancée sur le marché ivoirien, Djamo s’est imposée en peu de temps. C’est la fintech qui s’érige en parfaite alternative aux banques classiques et qui démocratise l’accès aux services financiers. Pourtant, une analyse plus poussée révèle un paradoxe qui passe inaperçu malheureusement.
L’application Djamo est sous-exploitée par ses utilisateurs. Elle est réduite à une simple plateforme de paiement en ligne. Alors, cette innovation est une banque digitale à part entière. Mais cette facette reste méconnue du grand public. Quelques chiffres révélateurs : 3500 cartes vendues le premier mois qui a suivi le lancement, 500.000 clients revendiqués en 2022.
Un outil réduit aux paiements en ligne et pourtant…
Dans une interview à Jeune Afrique en octobre 2025, Hassan Bourgi co-fondateur de la fintech, dit ceci : « L’idée de départ, c’était de permettre à nos utilisateurs de centraliser tous leurs paiements sur Djamo, d’en faire un hub de paiement pour la vie de tous les jours ». En 2025, l’objectif n’a pas changé, mais une majorité d’utilisateurs de Djamo s’en sert avant tout pour effectuer des paiements en ligne. Les paris sportifs, les abonnements aux plateformes de streaming, les règlements de cours et formations, notamment.
La carte Djamo est devenue un facilitateur de transactions numériques. En revanche, peu d’usagers exploitent les autres services proposés par la fintech. Pourtant, Djamo met à disposition de ses clients une panoplie de fonctionnalités dignes d’une banque classique, à savoir, comptes d’épargne, placements financiers, transferts d’argent, gestion budgétaire avancée. L’ambition de la start-up est de participer à l’inclusion financière, surtout de permettre aux non-bancarisés d’accéder à des services modernes et simplifiés. Mais aujourd’hui, cette mission semble inachevée.
Un déficit d’éducation financière et de communication
Le taux de bancarisation en Côte d’Ivoire reste relativement faible, en dépit des efforts consentis. Nombreux sont ceux qui n’ont jamais eu de compte bancaire, non pas par manque d’intérêt, mais par méconnaissance du fonctionnement des services financiers. Une partie du problème vient du manque d’éducation financière dans la société ivoirienne. Pour beaucoup, la gestion de l’argent se résume à l’épargne basique. L’investissement, la diversification financière et la gestion de portefeuille sont des notions peu répandues sous nos tropiques.
Ce manque de culture financière impacte directement l’adoption des services de Djamo. Djamo Invest en fait les frais. Ce nouveau produit de la fintech permet aux utilisateurs de placer leur argent sur des produits financiers qui offrent des rendements intéressants. Dans la pratique, ces solutions demeurent largement ignorées. Dans les discussions entre amis ou sur les réseaux sociaux, ce service est rarement mentionné. Il en va de même pour les options d’épargne avancées, dont beaucoup d’utilisateurs ne connaissent même pas l’existence.
Djamo, de son côté, semble aussi souffrir d’un déficit de communication sur ces produits. La fintech a axé une grande partie de sa stratégie marketing sur la facilité des paiements en ligne qui font écran aux services plus sophistiqués. Une campagne massive d’information et de sensibilisation pourrait changer la donne, mais cela nécessite un effort de longue haleine.
Un comportement paradoxal des utilisateurs
Même parmi ceux qui connaissent les fonctionnalités avancées de Djamo, l’usage reste limité. Beaucoup ouvrent un compte d’épargne, mais demandent le déblocage de leurs fonds bien avant l’échéance prévue. Comme c’est d’ailleurs le cas avec les comptes bloqués sur Wave. Cette instabilité dans l’usage des outils financiers démontre un besoin criant d’éducation sur la gestion de l’argent et les bénéfices de l’épargne à long terme.
D’un autre côté, la réticence envers l’investissement est alimentée par le manque d’informations claires et par une crainte généralisée. Investir est perçu comme risqué, flou, voire réservé à une élite financière. “Je ne peux pas mettre mon argent dans quelque chose que je ne vois pas, et si un matin l’application passe plus ? ”. Peut-on entendre et lire dans certaines discussions. Djamo, qui se positionne comme une alternative aux banques classiques, aurait tout intérêt à désacraliser ces notions et à simplifier l’accès à l’investissement.
Des solutions pour maximiser le potentiel de Djamo
Si Djamo veut pleinement jouer son rôle de banque digitale, elle doit sortir des cercles traditionnels des fintech et aller au contact direct de sa cible. Participer à des salons spécialisés, forums ou symposiums est une bonne stratégie, mais elle ne suffit pas. La fintech doit aller chercher ses utilisateurs là où ils se trouvent réellement. Mais où ?
Djamo pourrait investir dans des initiatives éducatives sur plusieurs années, en s’associant à des influenceurs et leaders d’opinion proches du grand public. Intégrer aussi des personnalités connues et influentes, issues de divers milieux (musique, sport, digital), peut aider à toucher un public plus large et rendre l’éducation financière plus accessible. C’est de l’UGC (User Generated Content).
Sensibiliser les petites entreprises, les artisans, les jeunes entrepreneurs sur les avantages d’une gestion digitale de leurs finances et mettre en place des campagnes de vulgarisation, qui expliquent simplement comment et pourquoi investir avec Djamo Invest. Djamo a bouleversé le secteur financier d’Afrique francophone. Cependant, son succès futur dépendra de sa capacité à transformer ses utilisateurs en clients pleinement actifs.
James Kadié