En 2008, peu de personnes misaient sur l’avenir de la finance mobile en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, le Mobile Money est devenu une infrastructure essentielle de la vie économique en Côte d’Ivoire, au même titre que le réseau routier ou le marché de gros. Le pays fait même figure de pionnier dans la zone UEMOA, avec près de 25 000 emplois indirects liés à cette activité.
À l’origine, la solution visait à pallier l’absence de services bancaires de proximité. Dans les années 1990 et 2000, le mandat postal était la norme pour envoyer de l’argent dans le pays. Mais le processus était lent, peu sécurisé, et dépendait fortement des réseaux de transport et de la Poste. L’arrivée du téléphone mobile a tout changé.
De l’USSD au QR code : une évolution technique
Orange Côte d’Ivoire a été le premier opérateur à se positionner en lançant Orange Money en 2008. À l’époque, les transactions passaient par un simple code USSD (#144#), sans nécessité d’avoir un smartphone ou une connexion Internet. C’était simple, rapide et accessible. Ce format a permis une adoption rapide, notamment dans les zones rurales.
Depuis, la technologie a évolué. Les services se sont enrichis. Wave a introduit le QR code pour fluidifier les paiements et sécuriser les transferts. Aujourd’hui, un client peut régler une facture ou envoyer de l’argent à ses proches en quelques secondes via son smartphone, en scannant un visuel.
Un usage soutenu par les politiques publiques
Le point de bascule ? 2014. Cette année-là, le gouvernement impose le paiement des frais de scolarité via Mobile Money. Suivront les factures d’eau, d’électricité, puis les services administratifs. Résultat : une accélération massive de l’inclusion financière.
Selon la BCEAO, la Côte d’Ivoire représente à elle seule près de 40 % des flux de Mobile Money dans la zone UEMOA. Les grandes villes sont bien desservies, mais les opérateurs investissent désormais dans la couverture des zones secondaires. MTN, Moov et Orange se livrent une guerre de parts de marché, avec des campagnes agressives et des bonus réguliers.
Un écosystème structurant pour l’emploi
Autour de cette technologie, c’est un véritable écosystème qui s’est constitué :
- Des réseaux de distribution à l’échelle nationale,
- Des milliers de points de retrait et dépôt,
- Des partenariats avec les banques, les fintechs, les commerçants.
Le directeur général de Wave Côte d’Ivoire a récemment estimé à 17 000 le nombre de points de dépôt pour sa seule entreprise. Orange revendique de son côté 160 000 emplois indirects via son réseau de partenaires et sous-traitants. La plupart des gérants de kiosques perçoivent un revenu mensuel supérieur au SMIG, selon les données de la DGI.
Des défis encore présents
Le secteur n’est pas exempt de failles. Les erreurs de transaction restent fréquentes sur les interfaces USSD, les litiges de remboursement sont longs à traiter, et la cybersécurité devient une préoccupation croissante avec la multiplication des fraudes.
Par ailleurs, l’informalité de certains points de vente empêche encore une réelle fiscalisation. L’État cherche à mieux encadrer l’activité, sans pour autant freiner son développement. Des projets de digitalisation de la fiscalité locale via Mobile Money sont à l’étude.
Vers une nouvelle étape ?
Avec l’essor du smartphone et le développement de l’identité numérique (comme la carte professionnelle biométrique lancée par l’ONECI), de nouveaux usages sont attendus : microcrédit mobile, épargne en ligne, paiement de salaires, ou encore souscription à des assurances santé.
Le Mobile Money n’est plus un gadget. Il est devenu un pilier de l’économie numérique ivoirienne. La dématérialisation est bien en marche. Et cette fois, elle ne fait pas que gagner du temps : elle redistribue les cartes.