La construction du data center national est-elle en pause ? La question mérite d’être au regard des accords d’hébergement des données publiques qui se multiplient entre l’opérateur privé RAXIO et l’ARTCI ou encore avec le ministère de la Transition numérique et de la Digitalisation. Décryptage.
14 décembre 2023 : pose de la première pierre du Data center national
Le 14 décembre 2023, l’État de Côte d’Ivoire pose la première pierre de son projet de premier centre de données national ou Data center national sur le site de l’AIGF d’Abidjan-Marcory. Ce data center de type Tier III, disent ses promoteurs, est le fruit de la collaboration entre les Etats-Unis, le consortium Cybastion et le ministère ivoirien de la Transition numérique et de la Digitalisation.
« Le data center national symbolise notre quête de souveraineté numérique. Avec une superficie de 20 000 m², il sera doté de 2 X 400 armoires (racks), d’une puissance énergétique d’un Mégawatt, et de capacités de stockage de plus de 2.200 Térabits. Il sera donc conforme aux normes internationales les plus strictes en termes de haute disponibilité et de redondance. Il est conçu pour stimuler la dématérialisation des procédures administratives, servant ainsi à la modernisation de notre administration publique », avait dit le ministre Ibrahim Kalil Konaté
Délai de livraison promis : 1 an, financement 36 milliards FCFA
« En tant que catalyseur de l’innovation, ce data center servira, non seulement à héberger les données des entités administratives nationales, mais aussi à offrir des solutions de reprise après sinistre et de continuité des activités, renforçant ainsi la résilience et la sécurité de nos systèmes d’information », ajoute le ministre Konaté.
Le Data center national à bâtir sur le site de l’Agence ivoirienne de gestion des fréquences radioélectriques (AIGF), à Marcory Anoumabo, à Abidjan, nécessite un investissement de 60 millions de dollars US, soit un peu plus de 36 milliards de FCFA, pour une durée de construction estimée à 12 mois. Ce financement, disent les porteurs du projet, à ce moment-là, est bouclé grâce à un accord de financement entre l’Etat de Côte d’Ivoire et le gouvernement américain à travers Cybastion.
Ainsi, le 16 mai 2024, le ministre Ibrahim Kalil Konaté effectue une visite sur le site du chantier pour s’assurer du démarrage effectif des travaux. Le financier Cybastion et le constructeur Porteo sont présents ainsi que l’ambassadeur des Etats-Unis en Côte d’Ivoire, Jessica Ba Davis.
Depuis, plus rien. Sauf quelques annonces au cours de cérémonies que la Côte d’Ivoire construit un Data center national pour le stockage de ses données afin d’assurer sa souveraineté numérique. Mais, non seulement le délai de livraison du Data center national est passé (Décembre 2024), selon les promesses faites lors de la cérémonie de pose de la première pierre, mais en plus le gouvernement semble avoir renoncé, pour l’heure, à ce projet.
RAXIO se substitue au Data center national
C’est que, ces derniers mois, plutôt que d’accélérer les travaux du Data center national, des accords sont signés avec l’opérateur privé d’hébergement de données RAXIO. L’un des plus récents est le protocole d’accord avec l’opérateur de centres de données RAXIO Data Centres pour héberger les données de l’Autorité de régulation des télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI).
En effet, le 30 mai 2025, l’ARTCI et RAXIO Group ont officialisé un accord qui indique que le 3ème point d’échange internet national (CIVIX) sera hébergé sur l’infrastructure du data center CIV1 à Abidjan. Cette installation s’accompagne de quelques avantages, à savoir optimiser les échanges de trafic local, réduire la latence, renforcer la connectivité, soutenir les initiatives en intelligence artificielle.
Selon Robert Skjodt, directeur général de RAXIO Côte d’Ivoire, ce partenariat apporte une valeur ajoutée à l’écosystème numérique national et régional.
Le Data center national est-il en pause ?
Le 26 juin 2025, l’Etat de Côte d’Ivoire, à travers le ministère de la Transition numérique et de la Digitalisation, signe aussi un accord avec RAXIO Data Centres pour héberger les données des services publics du pays dans son centre de données CIV1, basé au VITIB de Grand-Bassam.
Au vu de ces accords, on en vient à s’interroger sur l’avenir du Data center national et de la souveraineté numérique en Côte d’Ivoire. Car la souveraineté numérique suppose que les données du pays soient stockées par des entreprises ivoiriennes, sur le sol ivoirien.
Choisir des acteurs privés comme RAXIO Group pour héberger des données nationales alors que la Côte d’Ivoire a les moyens de construire son propre centre d’hébergement des données laisse pantois. Alors, la construction du Data center national, pilier de la Stratégie nationale de développement du numérique, adoptée le 21 décembre 2021 et de la Stratégie nationale de l’intelligence artificielle et de la gouvernance des données est-elle en pause ? En attendant les réponses du ministère de la Transition numérique et de la Digitalisation…