Hervé Bah, associé chez Ciberobs Consulting, un cabinet de conseils en sécurité des systèmes d’information, a participé en tant que paneliste au Women Empowerment in Cybersecurity, un forum consacré à la participation des femmes au secteur de la cybersécurité, le 11 mars 2025, à Orange Digital Center, à Abidjan-Plateau. Dans cette interview à Digital Mag, il partage ses idées pour encourager et faciliter l’intégration des femmes dans la cybersécurité.
Pourquoi ce forum sur les femmes dans la cybersécurité ?
Ce forum a été initié à partir d’un constat simple mais préoccupant : la représentativité des femmes dans le secteur de la cybersécurité reste très faible. Que ce soit en termes d’intérêt exprimé ou de présence effective, les chiffres sont encore largement déséquilibrés.
Face à cette réalité, il est apparu nécessaire de créer une plateforme dédiée, où l’on puisse non seulement souligner l’importance de la participation des femmes dans ce domaine, mais aussi mettre en lumière les obstacles qu’elles rencontrent et identifier des leviers concrets pour faciliter leur intégration et leur épanouissement.
Ce forum a donc pour but de poser les bonnes questions, de faire émerger des solutions, et surtout de montrer que la cybersécurité a besoin de la diversité des talents – et que cela inclut pleinement les femmes.
Quelles sont les solutions pour permettre l’intégration des femmes dans la cybersécurité ?
La première étape, c’est de susciter l’intérêt. Même si des initiatives externes existent, rien ne peut se faire sans une volonté claire et affirmée des femmes elles-mêmes de s’orienter vers ce domaine. L’intérêt doit précéder l’engagement, et cet intérêt doit être nourri dès le plus jeune âge, à travers des exemples, des parcours inspirants et une meilleure visibilité du métier.
Ensuite, il faut construire un cadre incitatif, à plusieurs niveaux. Du côté des autorités publiques, cela signifie créer les conditions favorables à l’insertion des femmes dans le secteur, à travers des politiques d’accompagnement, des incitations au recrutement, et une collaboration active avec les entreprises. Une charte pourrait d’ailleurs être signée avec le patronat pour encourager des engagements concrets en matière de parité.
Enfin, du côté des femmes elles-mêmes, il est essentiel qu’elles comprennent que la cybersécurité est un domaine accessible dans lequel elles peuvent non seulement trouver leur place, mais aussi exceller. Elles doivent se sentir légitimes, soutenues, et capables d’y faire carrière, à tous les niveaux de responsabilité.
Avez-vous, chez vous à Ciberobs, des initiatives dans ce sens pour les femmes ?
Oui, clairement. Chez Ciberobs, l’inclusion n’est pas un concept abstrait, c’est une réalité que nous incarnons au quotidien. Aujourd’hui, 50 % de notre effectif est composé de femmes. Ce chiffre n’est pas le fruit du hasard, il traduit une volonté stratégique de promouvoir la parité dans un secteur encore largement masculinisé.
Au-delà de notre structure interne, nous portons des initiatives concrètes comme le Cyber Africa Forum, un événement majeur du secteur que nous organisons chaque année. À l’intérieur de ce forum, nous avons lancé Cyber African Women, une initiative dédiée à la mise en avant de femmes leaders dans la cybersécurité. L’objectif est clair : montrer des modèles, créer des vocations, et démontrer que la réussite dans ce domaine est accessible à toutes.
Enfin, notre participation à des forums comme le Women Empowerment in Cybersecurity reflète notre engagement actif. Nous ne nous contentons pas de soutenir ce type d’initiatives, nous les accompagnons, nous les structurons, et nous contribuons à leur rayonnement, car nous croyons fermement que la diversité est un levier de performance et d’innovation.
Plus généralement, quels sont les défis de l’insertion des femmes dans la cybersécurité ?
L’un des défis majeurs, c’est de déconstruire les stéréotypes profondément ancrés autour de ce métier. Trop souvent, la cybersécurité est perçue – à tort – comme un univers exclusivement masculin, exigeant des compétences techniques « réservées » aux hommes. Ce préjugé constitue un frein puissant, car il conditionne la perception que les femmes ont d’elles-mêmes et de leur légitimité dans ce secteur.
À cela s’ajoute un autre biais plus insidieux : celui qui suppose que les femmes seraient moins disponibles ou moins engagées à long terme, notamment à cause de leurs responsabilités familiales ou des congés maternité. Ce type de raisonnement, encore trop répandu, contribue à limiter leur accès aux postes clé, surtout dans les environnements à forte pression.
Il est donc essentiel de changer la narration. Les femmes sont capables d’assumer des fonctions à haute responsabilité dans la cybersécurité, avec autant de rigueur, de vision et de résilience que n’importe qui. Ce qu’il faut, ce ne sont pas des aménagements symboliques, mais une remise en question profonde des critères d’évaluation, des pratiques de recrutement, et de la culture managériale dans son ensemble.
Un message à ces jeunes femmes qui s’intéressent à la cybersécurité ?
Je leur dirais une chose essentielle : croyez en vous, et n’attendez pas qu’on vous donne la permission d’exister dans ce domaine.
La cybersécurité est un secteur d’avenir, et il est grand temps que les femmes y prennent toute leur place. Les portes sont ouvertes, mais encore faut-il décider de les franchir, avec confiance et détermination.
Oui, le parcours peut être exigeant. Oui, vous serez parfois mises à l’épreuve. Mais vous découvrirez aussi des personnes prêtes à vous soutenir, à vous accompagner, et à croire en votre potentiel parfois bien avant que vous n’en soyez pleinement conscientes vous-mêmes.
Il n’y a pas de plafond si vous refusez d’en voir un. Armez-vous de compétences, entourez-vous de bonnes personnes, et osez viser haut. Ce secteur a besoin de vous. Et vous avez tout ce qu’il faut pour y réussir.
Entretien réalisé par Emmanuella Godé