Lors des Journées de l’intelligence artificielle (JIA), du 25 au 27 février 2025, à Abidjan, Jacques Gnongui, directeur technique et des innovations chez Jool International, une start-up spécialisée dans l’agriculture de précision, a expliqué comment les capteurs, les drones et l’intelligence artificielle peuvent accompagner les planteurs dans l’amélioration de leurs productions.
Dans cette interview exclusive, il soulève, toutefois, les défis du secteur agricole en Côte d’Ivoire et propose des solutions innovantes pour relever ces défis.
Quelles sont les solutions que vous proposez pour améliorer le secteur agricole en Côte d’Ivoire ?
Il y a beaucoup de solutions que Jool International propose pour améliorer le secteur agricole en Côte d’Ivoire. L’une de nos solutions, c’est l’outil « Mon assistant agro » qui assiste les paysans dans la détection de maladies et d’anomalies sur leurs parcelles. Pour une plantation d’un certain nombre d’hectares, ils n’ont pas besoin de la parcourir tout le temps. Il leur suffit de nous faire appel, et grâce à nos drones, nous survolons leur plantation. Une fois que les images sont captées, nous les analysons afin de détecter toutes les anomalies de la plantation.
À côté de ça, nous avons des solutions de pulvérisation aux pesticides qui permettent de traiter un hectare en cinq minutes. Cette solution est facile à utiliser. Elle est rapide et efficace parce que la pulvérisation se fait de façon uniforme, à la bonne dose, au bon moment, au bon endroit sur la parcelle.
Vous avez aussi des solutions numériques pour les coopératives…
Effectivement, nous avons des solutions qui permettent de digitaliser entièrement les coopératives agricoles. Il y a beaucoup de coopératives aujourd’hui qui ne sont pas digitalisées, qui ont même des problèmes à reconnaître un certain nombre de leurs membres et à pouvoir dire exactement combien elles ont en termes de parcelles et de producteurs. Aujourd’hui, avec notre solution Jool ID, elles peuvent identifier et cartographier l’ensemble des ressources de leur coopérative.
Prenons un cas concret. Que conseillez-vous à un planteur de manioc pour optimiser son rendement ?
Il y a deux cas. Celui qui commence avec nous et celui qui a déjà planté. Pour celui qui a déjà planté, nous allons suivre sa plantation et le conseiller au niveau de l’irrigation, de l’utilisation de l’engrais ou encore de l’utilisation des pesticides. Le constat est que de nombreux producteurs appliquent les engrais sans tenir compte de l’état de leurs plantations. Or, il faut appliquer l’engrais au bon endroit sur la plante qui en a besoin. Ceci pour faire des économies et garantir la santé des plants.
Donc ce producteur-là, il n’a plus besoin de courir partout dans son champ, il n’a juste qu’à survoler sa plantation avec notre outil qui lui dira exactement de quoi est-ce que sa plantation a besoin. Les plants peuvent souffrir d’un manque de pesticide, d’eau, d’étouffement, etc. Notre solution permet d’appliquer la bonne méthode au bon endroit sur sa parcelle.
Quelles sont les difficultés qui peuvent entacher la vulgarisation de l’IA dans le domaine agricole ?
La première difficulté, c’est la peur. Certains se disent que l’IA va nous remplacer, alors qu’elle vient bonifier les planteurs et les aider dans leur travail. Il y a également la peur du coût des prestations basées sur les outils équipés d’IA. Lorsque nous arrivons dans une zone, nous essayons de rassembler le plus de producteurs de sorte que les efforts puissent être mutualisés. Il y a aussi le manque d’informations, car plusieurs agriculteurs ne savent pas que ces solutions existent. Bien souvent, c’est lorsque nous présentons les outils et les solutions qu’ils les découvrent avec émerveillement d’ailleurs.
Comment intégrez-vous les producteurs peu familiers avec les technologies numériques dans votre approche ?
Nous sommes conscients que de nombreux producteurs ne sont pas habitués aux réseaux sociaux. C’est pourquoi nous adoptons une approche intergénérationnelle en ciblant leurs enfants qui, eux, sont plus connectés aux plateformes numériques et aux réseaux sociaux. Nous les utilisons comme interlocuteurs et ambassadeurs pour faciliter la transmission des informations et l’adoption des solutions technologiques par leurs parents producteurs.
De quoi avez-vous besoin actuellement pour augmenter l’efficacité de vos solutions ?
Présentement, nous avons besoin de données, parce que toutes les solutions d’IA fonctionnent avec les données. Nous voulons donc des moyens de collecte de données pour pouvoir entraîner le plus possible de modèles IA qui vont pouvoir résoudre différents problèmes.
Qui fournit les modèles IA que vous utilisez ?
Nous concevons nos propres modèles d’IA, car les solutions occidentales ne sont pas adaptées aux réalités africaines. Par exemple, les satellites permettent de délimiter des parcelles agricoles dans les pays occidentaux grâce à des séparations bien définies. Or, ici en Côte d’Ivoire, les frontières entre plantations sont souvent marquées par un simple arbre, une borne ou un simple fil rouge, des éléments difficilement détectables par satellite. C’est pourquoi nous développons des modèles spécifiquement conçues pour répondre aux défis du terrain ivoirien.
Entretien réalisé par James Kadié