Jean-Baptiste Millogo est le directeur des technologies et du développement internet à Internet Society. Internet Society est une organisation internationale qui lutte pour l’accès à internet à tous, le développement d’infrastructures et la promotion de cadres d’échanges entre des experts africains. Interrogé le 27 juin au Forum Peering Afrique de l’Ouest, à Abidjan – Côte d’Ivoire, il répond aux question de Digitalmag.ci.
Forum peering de l’Afrique de l’Ouest (FPAO), qu’est-ce que cela veut dire pour le commun des mortels ?
C’est un évènement que Internet Society organise depuis 4 ans. Mais, c’est la première fois qu’on le tient en présentiel et ici en Côte d’Ivoire. C’est un espace d’échanges entre les experts du développement d’internet. Sur deux jours, nous leur demandons de présenter l’état des lieux d’internet, de discuter des problèmes courants et du cadre réglementaire pour nous permettre de faire des propositions de nouvelles lois sur le numérique aux gouvernements, lorsque cela s’avère nécessaire. C’est enfin un espace de prise de contact entre les entreprises, chacune selon son secteur d’activité.
Quels sont les défis que vous avez identifiés pour le développement d’internet et son accès à toutes les populations de l’Afrique de l’Ouest ?
Il y a du travail à faire pour l’amélioration des infrastructures dans les pays et l’interconnexion entre les pays. Avoir des infrastructures non connectées aux autres, n’est pas suffisant. Un pays peut ne pas avoir toutes les données pour un trafic internet fluide. Chez le voisin, ces données peuvent être disponibles, et celui qui n’en a pas, peut s’appuyer sur celui qui en a. Il y a la problématique du contenu local. Nous avons du contenu produit ici pour des gens à l’étranger et qui peut créer de la valeur pour nous, mais qui est hébergé à l’étranger. Or, le but d’internet, c’est d’avoir des données proches des utilisateurs. Nous pensons donc qu’il faut développer les infrastructures d’hébergement de contenus, ici. Enfin, il y a les bonnes pratiques pouvant améliorer la configuration actuelle des équipements internet.
Quelles sont ces bonnes pratiques ?
Chez les gros opérateurs, certains outils et protocoles sont utilisés. La mauvaise configuration de ces protocoles peut provoquer des incidents. Donc, les bonnes pratiques, c’est par exemple, comment faire le VJP, le peering DB qui est la base de données où tous les opérateurs sont présents. C’est comme la carte d’identité d’un réseau à l’international. Nos opérateurs doivent prendre possession de cet espace pour être visibles partout.
A la suite de la rupture des câbles sous-marins, on a vu que nos pays sont vulnérables…
Les câbles sous-marins sont des chemins, ce sont des couloirs. Nous avons discuté des incidents du 14 mars 2024 dont vous parlez. Il est ressorti de nos échanges qu’on doit diversifier les chemins des câbles, diversifier la connexion des opérateurs aux câbles disponibles. Quand il y a eu l’incident, vous avez vu que des opérateurs avaient du service.
Cela veut dire tous les câbles n’étaient pas coupés. Donc, il faut que les opérateurs se connectent sur le maximum de câbles, qu’il y ait de la mutualisation d’infrastructures entre eux, et qu’il y ait de nouveaux câbles plus éloignés des côtes, donc moins vulnérables aux incidents. On a aussi souligné la nécessité pour les opérateurs d’être connectés. Il faut que les banques, les assurances, les universités soient connectées aux points d’échanges. Ainsi, nous disposerons de beaucoup de données locales. Dès lors, si un câble est coupé, on le ressentira moins.
Que pensez-vous de l’alternative satellitaire pour l’accès à internet ?
C’est vrai que l’actualité fait parler des satellites LEO, mais, ici, nous parlons de gros trafics de données qui ne peuvent être véhiculés via le satellite. Le satellite peut être une solution d’accès ponctuelle pour un simple utilisateur. Mais lorsqu’on veut véhiculer les gros trafics où il y a beaucoup de vidéos, des textes, et autres, l’alternative n’est pas le satellite. Le satellite est une solution d’accès, mais il n’est pas comparable à la capacité de la fibre optique. C’est ce qui fait qu’on continue à investir dans la fibre. Le satellite n’est pas une solution.
Entretien réalisé par
K. Bruno