Lors de la présentation de la Stratégie nationale de l’IA et de la gouvernance des données, Pr. Koné Tiémoman, président de l’Université virtuelle de Côte d’Ivoire, a donné son avis sur l’IA en Côte d’Ivoire dans une interview exclusive. Pour lui, la jeunesse ivoirienne a le talent pour faire de la Côte d’Ivoire un champion dans l’intelligence artificielle.
Que pensez-vous de la Stratégie nationale de l’intelligence artificielle ?
Tout part de la vision du président de la République qui, dès 2015, a eu l’audace de créer une université numérique, l’Université virtuelle de Côte d’Ivoire (UVCI) pour qu’on puisse former les jeunes en utilisant le numérique. C’est cela qui conduit aujourd’hui à l’adoption d’une Stratégie nationale de l’intelligence artificielle. L’intelligence artificielle n’est qu’un pan de l’écosystème du numérique.
En la matière, les premiers étudiants de l’Université virtuelle ont soutenu le doctorat. Donc, il y a un vivier d’expertises dans le numérique et l’IA. Comme cela a été rappelé par le Premier ministre, je pense que nous pouvons nous appuyer sur ce potentiel d’expertises pour construire des solutions qui vont impacter le quotidien des Ivoiriens.
Il se pose toutefois la problématique de la collecte et de la qualité des données ?
C’est un jalon important auquel nous venons d’assister puisque nous savons qu’il faut d’abord la maitrise des données. Ce sont les données de qualité entrainées dans une intelligence artificielle qui permettent de prendre les meilleures décisions.
Si les données ne sont pas bonnes, les décisions prises par l’IA ne seront pas bonnes. Dans ce sens, les concepteurs de la stratégie ont bien compris qu’il fallait combiner la gouvernance des données avec le développement de l’intelligence artificielle.
Il y a aussi le projet de digitalisation de l’administration qui, lui, permettra de délivrer tous les services aux usagers à distance avec précision et célérité.
Quelle peut être la place de l’Université virtuelle dans cet écosystème IA ?
L’Université virtuelle a été le premier jalon de tout ce dispositif. Créer, dès 2015, une université virtuelle avec toutes les complexités liées au numérique et pouvoir former des milliers d’Ivoiriens, ce n’était pas gagné par avance. Il fallait de l’audace.
Je pense donc que le gouvernement a eu de la vision et de l’audace en posant déjà, avant la COVID, une université virtuelle qui s’est révélée d’ailleurs être une opportunité pour la continuité de la formation pendant la pandémie que nous avons connue.
Aujourd’hui, l’IA s’invite dans les pratiques. Je pense que nous sommes sur le bon chemin. A nous de prendre toute notre place comme le Premier ministre l’a rappelé. Il a fait un appel aux jeunes. Ces jeunes, ce sont nos étudiants de l’Université virtuelle et des autres universités qui ont déjà la tête dans cette intelligence artificielle.
C’est à eux de créer des communautés pour regrouper les autres jeunes et faire en sorte que, d’une manière générale, notre jeunesse qui est très intelligente d’ailleurs, puisse nous aider à trouver des solutions IA adaptées à nos besoins quotidiens.
Pourquoi passer par une stratégie IA, là où les Etats-Unis sont allés directement en proposant des solutions IA que nous utilisons déjà ?
Oui, on peut aller dans le désordre, et ça peut donner des résultats. Quand on fait de la recherche, on tâtonne. Ces pays qui vont directement avec des solutions IA, sont des pays à la pointe de l’IA. Ils ont tâtonné pendant la recherche. Mais, aujourd’hui, on n’est plus à la recherche de l’intelligence artificielle. Il s’agit plutôt de s’approprier l’intelligence artificielle pour la mettre à notre service. Ici, on ne peut pas y aller en tâtonnant, il nous faut une stratégie. Lorsqu’on est dans le domaine de la recherche, on cherche. Et quand on cherche, on n’a pas de stratégie absolue, on tâtonne et on trouve des solutions. Mais, après avoir trouvé, vous allez voir que même dans ces pays, des stratégies se mettent en place.
Certes, ce n’est pas nous qui avons découvert l’intelligence artificielle, mais nous découvrons ses potentialités, et il nous faut une stratégie, quitte à ce que demain dans le laboratoire d’IA, des approches nous permettent de découvrir le futur de l’IA. Et là, vous verrez que la stratégie viendra après la découverte de ce futur de l’IA pour que cela soit profitable à tout le monde.
Il faut retenir que toutes les innovations commencent dans des laboratoires universitaires. Mais, une fois qu’on trouve, pour que cela soit opérationnel, il faut descendre dans le monde industriel et économique et c’est à cette étape que nous sommes avec cette stratégie que nous venons d’adopter.
Peut-on rattraper notre retard dans l’IA ?
Oui, on peut. Les philosophes nous enseignent que l’intelligence est très bien repartie. Nous en sommes convaincus, nos jeunes ont du talent. Certains sont majors dans certaines compétitions. Ce qui signifie que l’intelligence est très bien distribuée, et l’Afrique est vraiment à la table de l’intelligence. Nous avons de l’espoir que nous allons pouvoir rattraper assez rapidement notre retard, surtout que nos autorités structurent la chose.
C’est ça qui est important. Sans structuration, on ne peut pas bénéficier d’un accompagnement pérenne. Et ici, vous avez entendu les montants d’investissements annoncés par la Banque mondiale et d’autres bailleurs à venir. Cela va booster la chose. La matière première est déjà là. La Côte d’Ivoire a tous les atouts pour rattraper son retard et être le champion d’Afrique de l’intelligence artificielle, comme nous l’appelons de tous nos vœux.
Entretien réalisé par K. Bruno