Dans une interview exclusive à Digital MAG, Lambert TANOH, directeur des systèmes d’information de l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny de Yamoussoukro (INP-HB), revient sur les défis techniques et humains et de la digitalisation des services et le rôle de la data dans les institutions.
Quels ont les principaux défis des structures publiques ou privées dans la transformation digitale de leur système d’information ?
Bon, le numérique évolue. Donc, il faudrait qu’il y ait des compétences qui évoluent avec la transformation digitale. Sur ce point, l’Etat de Côte d’Ivoire, le privé, les universités, les grandes écoles doivent suivre l’évolution digitale en mettant en œuvre des formations adaptées à l’évolution de cette transformation digitale. En d’autres termes, il faut faire former des gens compétents qui seront capables de relever les défis de la sécurité, de la transformation digitale en intégrant l’intelligence artificielle, la cybersécurité, etc. Aujourd’hui, il y a certaines écoles qui sont en avance. Elles essaient d’adapter leurs formations à l’évolution digitale.
Quel rôle les établissements de formation comme l’INPHB jouent dans la préparation des talents pour relever ces défis ?
Sans faire de publicité, l’INPHB, aujourd’hui, est leader en Côte d’Ivoire et dans la sous-région. D’ailleurs, elle est classée deuxième au niveau des pays francophones. A l’INPHB, nous mettons à jour nos formations en tenant compte de l’écosystème des entreprises. Il y a quelques années, avant même que l’État ne mette en place la stratégie gouvernementale, l’INPHB avait déjà mis en place un master dans la data science, l’intelligence artificielle et de la cybersécurité.
Donc, à l’INPHB, en tant que leader, on s’adapte à la formation en fonction de l’évolution du numérique. On peut retrouver toutes les formations demandées par les entreprises, peut-être pas en grand nombre, mais en tout état de cause, toutes les formations que les grandes entreprises recherchent se font au niveau de l’INPHB. Il va falloir que les autres écoles, les autres universités suivent le rythme.
En quoi les sciences des données constituent-elles un levier d’optimisation des SI ?
La data science aujourd’hui est incontournable. Et on ne peut pas parler de data science, on ne peut pas parler d’IA sans les données. Les données représentent un élément important dans l’optimisation de tout ce que nous faisons pour les prédictions, et au niveau de l’IA. Sans les données, il est difficile de mettre en place des outils appliqués à l’intelligence artificielle. Le problème que nous rencontrons sur le marché, c’est que souvent, on a des obstacles pour avoir des entreprises qui offrent les données. Bien sûr, c’est normal, dans la mesure où les données sont sensibles. Elles ne peuvent pas être offertes, d’une manière aléatoire sans que ces données n’impactent les outils qu’on doit mettre en place. Aujourd’hui, les données sont un levier important dans le développement de l’intelligence artificielle.
Comment intégrer l’IA générative et les outils avancés de traitement des données dans les stratégies de digitalisation ?
L’IA générative est un outil important, mais il faut savoir l’utiliser. Quand vous l’utilisez mal, ça peut avoir des conséquences. Je prends un exemple : vous donnez un devoir aux étudiants et ils utilisent leur portable pour tricher en utilisant l’IA générative, vous allez avoir du bon ordre pour les étudiants, alors qu’ils n’ont pas acquis la compétence. Donc, il faut qu’on puisse adapter l’IA générative à notre écosystème d’éducation, d’administration et des entreprises. Sinon, on risque de faire de la tricherie. On pensera que ce qui vient de telle personne, de tel étudiant est de bonne qualité, alors qu’il est parti chercher ça sur l’IA générative.
Pensez-vous que les administrations ivoiriennes sont prêtes à tirer profit de la data ?
Le gouvernement a mis en place le schéma directeur de l’intelligence artificielle et de la gouvernance des données. C’est un pas vers l’utilisation de l’IA. Il n’est jamais trop tard pour bien faire les choses. Donc, en 2025, l’État ayant pris cette bonne initiative, nous pensons que les perspectives sont bonnes. Même les pays européens ne sont pas aussi avancés que ça. Il y a quelques pays dans le domaine de l’IA qui sont très avancés, mais la Côte d’Ivoire n’est pas en retard. Elle a pris le train en marche et je pense que le gouvernement fait ce qu’il peut pour que, véritablement, cet outil soit bien utilisé, que cet outil soit public dans l’avenir, tant dans la médecine, l’éducation que dans les autres secteurs, voilà !
Les universités, les institutions publiques et les entreprises doivent-elles collaborer pour accélérer la transformation digitale ?
Au niveau des universités, il y a des relations que nous tissons. Nous signons des accords entre universités pour combiner nos compétences. Nous, en tant qu’INP-HB, nous avons des partenariats avec l’Université de Cocody, l’Université de San Pedro. A l’extérieur, nous avons des partenariats avec l’Institut Polytechnique de Paris et d’autres universités dans le monde. Donc, en se mettant ensemble, on peut faire beaucoup de choses. On peut avancer dans ce domaine où on ne doit se cloîtrer, être seul pour apprendre ou bien montrer ses compétences. Donc, il y a des partenariats entre les différentes universités qui se sont tissées et qui permettent aujourd’hui de former des étudiants compétents qui, parfois, malheureusement, quittent la Côte d’Ivoire pour une question d’argent.
Et avec les institutions publiques et les entreprises ?
Avec les institutions publiques et les entreprises privées, nous avons beaucoup de partenariats. L’INP-HB a un partenariat avec presque toutes les grandes entreprises de la Côte d’Ivoire à travers la CGECI. Il y a un vrai partenariat entre nous, les universités, les grandes écoles et les institutions publiques comme privées pour booster la transformation digitale et surtout former les gens qu’il faut, parce que ces entreprises ont besoin de compétences. Et nous, en tant qu’institutions de formation, nous avons besoin de coopérer pour connaitre les compétences dont ces entreprises ont besoin afin d’adresser les curricula de formations.
Que recommandez-vous aux jeunes ingénieurs, informaticiens et datascientists qui souhaitent s’inscrire dans cette dynamique nationale de digitalisation ?
A chaque époque, ses métiers. Aujourd’hui, dans l’informatique, il y a des métiers qui sont véritablement incontournables, comme les data scientists, les data engineers, les spécialistes en machine learning, les analystes de données. Donc, c’est d’encourager les jeunes, s’ils veulent avoir une employabilité à 100 %, à s’orienter vers ces métiers qui sont des nouveaux métiers dont les entreprises ont besoin. Il faut se lancer dans un métier où on sait qu’on peut trouver du travail ou s’installer à son propre compte pour avoir des marchés et employer d’autres personnes.
Un mot de fin ?
La Côte d’Ivoire est sur la bonne voie. Dans le secteur privé, beaucoup de choses ont été faites. Dans le public, il y a des avancées dans certaines structures. Les autres doivent suivre parce qu’aujourd’hui, la transformation digitale est incontournable. Donc, c’est vraiment encourager nos dirigeants à accentuer ce qu’ils ont déjà commencé, ce qui est déjà bien, pour qu’à 100 %, tout ce qui se faisait avec du papier soit aujourd’hui numérisé, pour que le client gagne du temps, pour qu’en termes de ressources financières, l’État en profite aussi.
Interview réalisée par M. Gassama





































