L’Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI) sacrifie à la tradition et publie ce 27 septembre, son bulletin mensuel d’informations. Des éclairages sur l’usage de la biométrie ont été apportés en plus de l’annonce imminente du retour des bonus de 400 % et d’un état des lieux de l’univers numérique ivoirien. Le point.
À l’aube de 2024, la Côte d’Ivoire s’affirme comme l’un des leaders en matière de transformation numérique en Afrique de l’Ouest. Avec une bonne marge de progression du secteur digital, l’enjeu pour le pays est dorénavant de réussir le jumelage innovation technologique et régulation adéquate. L’ARTCI se donne les moyens d’y parvenir avec en ligne de mire des défis majeurs. La biométrie, la protection des données, la concurrence sur le marché mobile et la sécurité numérique, sont les points clés épluchés dans ce rapport.
1- Une transformation numérique fulgurante
L’ascension numérique en Côte d’Ivoire n’a rien de timoré. La téléphonie mobile, l’Internet à haut débit, la fibre optique, le cloud computing, ainsi que la cybersécurité, continuent de gravir la montagne de la croissance. À ces innovations s’ajoutent l’émergence de l’Intelligence Artificielle (IA), des objets connectés, du Big Data et de la blockchain, technologies qui bouleversent les modèles économiques traditionnels et qui offrent de nouvelles opportunités dans des secteurs variés comme l’éducation, l’agriculture, les services financiers.
L’un des exemples les plus concrets de cette avancée est l’initiative de Yamoussoukro, ville numérique, où la capitale politique de la Côte d’Ivoire propose désormais une connexion Internet gratuite dans plusieurs quartiers. Ce projet, lancé en 2015, avec pour but de démocratiser l’accès à Internet pour les citoyens, contribue à réduire la fracture numérique. L’extension de ce réseau devrait couvrir l’ensemble de la ville d’ici à 2025, avec des effets transformateurs sur l’économie locale, surtout dans les domaines du commerce de détail et de l’éducation.
2- Fin de la crise des datas
Face à cette explosion technologique, l’ARTCI joue le rôle d’encadreur et s’assure de la protection des droits des usagers. L’organe régulateur s’érige contre les pratiques anticoncurrentielles. Il veille aussi à ce que les services de télécommunication et de la poste restent accessibles à des prix compétitifs. La décision N°2023-0834, qui avait instauré un encadrement strict des offres sur le marché mobile, a été abrogée en août dernier. Fin des tensions et des polémiques. Désormais, les opérateurs sont tenus de respecter des conditions de transparence et d’information accrue vis-à-vis des consommateurs. Ils sont aussi autorisés à offrir des bonus allant jusqu’à 400% pour une concurrence plus dynamique.
3- La régulation stricte sur la biométrie
La biométrie alimente, depuis quelques semaines, plusieurs débats en Côte d’Ivoire. L’utilisation des données biométriques pour le contrôle d’accès ou la gestion du temps de présence des employés, suscite de nombreuses interrogations relatives à la protection des données à caractère personnelles. Selon Désiré Aka, Directeur de la protection des données personnelles et de la vie privée à l’ARTCI, la loi n°2013-450 du 19 juin 2013 impose des règles strictes sur l’utilisation de ces technologies, classant les données biométriques dans une catégorie spéciale. Cela dit, leur utilisation nécessitent des précautions particulières en raison du risque élevé d’abus.
L’un des points clés de cette réglementation est que l’utilisation des systèmes biométriques pour contrôler les temps de présence des employés est désormais proscrit. Les entreprises doivent justifier d’un besoin spécifique, comme la protection de sites critiques ou d’informations sensibles, pour pouvoir recourir à ces technologies. L’ARTCI a même invité les entreprises à adopter des alternatives comme l’usage de cartes RFID, de digicodes et des systèmes de vidéosurveillance pour assurer la gestion des présences ou des accès. D’un point de vue législatif, l’autorité de régulation insiste sur la transparence et la nécessité d’un consentement éclairé de la part des employés avant toute collecte de données biométriques. Cette vigilance se justifie par la prolifération des identités numériques et les risques associés à la sécurité des données.
4- Cybersécurité et protection contre le vol d’identité
La cybersécurité fait aussi tache d’huile sous nos trop et, par conséquent, devient un enjeu de taille dans un environnement où les attaques informatiques sont fréquentes. Selon une enquête internationale menée par l’Identity Defined Security Alliance (IDSA), 9 organisations sur 10 ont connu un incident lié à l’identité au cours de l’année écoulée. Parmi les types de violations les plus récurrents, le tristement célèbre phishing est en tête (69%) suivi dans le peloton par le vol d’identifiants (37%).
Devant ces menaces croissantes, l’Intelligence Artificielle se présente, comme une solution prometteuse pour renforcer la sécurité des identités. En analysant les comportements des utilisateurs et en détectant des activités suspectes, l’IA permet de prévenir les attaques avant qu’elles ne surviennent. Néanmoins, cette technologie n’est pas sans risques puisque les algorithmes complexes requis pour déployer ces solutions peuvent eux-mêmes être vulnérables s’ils ne sont pas correctement sécurisés.
L’ARTCI, via son bulletin de veille data protection, explore activement ces enjeux. La faîtière des technologies numériques met en lumière l’importance d’une réglementation robuste pour protéger les identités numériques et personnelles. Il devient urgent de développer une vue centralisée des identités et d’améliorer la gestion des accès privilégiés, en particulier dans des environnements informatiques où les identités non humaines, comme les bots et autres services automatisés, foisonnent.
5- Un futur connecté, mais réglementé
La levée du prix plancher instauré en 2020 pour stabiliser le marché des télécoms, par exemple, montre que l’ARTCI ne craint pas de prendre des décisions audacieuses pour encourager la concurrence et stimuler l’innovation. L’autorité de régulation reste cependant vigilante. En plus de ses actions locales, l’ARTCI participe activement aux discussions internationales, notamment à travers des forums comme l’Assemblée Mondiale de Normalisation des Télécommunications (AMNT-24) et le Forum Africain sur l’Appairage et l’Interconnexion (AFPIF 2024). Ces événements sont l’occasion de faire valoir la souveraineté numérique de l’Afrique et favoriser l’interconnexion des infrastructures.
James Kadié