Le numérique en Afrique n’est plus un luxe ou une tendance, c’est un impératif stratégique. C’est l’une des phrases clés du docteur Redda Ben Geloune, CEO d’AITEK. Lors de la Conférence nationale sur l’IA, le lundi 19 mai 2025. Dans sa Keynote, il a souligné le rôle essentiel de la jeunesse dans cette révolution technologique.
Il a aussi rappelé l’importance de bâtir une IA souveraine et inclusive. Quelques grandes lignes de sa présentation enrichissante.
La jeunesse, actrice de la révolution IA
Redda Geloune a indiqué qu’avec 77% de sa population qui a moins de 35 ans, la Côte d’Ivoire dispose d’un levier démographique unique pour embrasser la révolution de l’IA. Cette jeunesse, connectée, créative et dynamique, est appelée à devenir la force motrice de cette transformation. En 2025, la population ivoirienne atteindra 32,7 millions d’habitants, et d’ici à 2030, plus d’un million de jeunes seront formés aux métiers des technologies de l’information et de la communication (TIC).
Mais, pour lui, la jeunesse a besoin d’être accompagnée. Il a insisté sur l’importance de la structuration, du financement et de l’orientation stratégique de ces talents.
« À l’échelle du continent, l’Afrique représentera près de 20% de la population mondiale dès 2030, avec un âge médian de 19,7 ans, contre 38 aux États-Unis et 42 ans en Europe. Eh oui, la jeunesse est africaine. Nous avons donc l’énergie, nous avons le nombre, nous avons le potentiel », a-t-il déclaré.
Définir une IA à notre image, à nos spécificités
Et il a poursuivi : « L’IA n’est pas magique, mais entre de bonnes mains, elle permet d’accélérer, d’innover, de transformer. Nous ne construirons pas notre avenir numérique à coups de copies. Nous devons l’imaginer à notre image, en intégrant des modèles adaptés à nos spécificités, à notre culture et à nos propres opportunités. Un développeur d’Abengourou peut créer un modèle d’IA pour détecter les maladies du cacao. Une étudiante de Daloa peut concevoir un assistant virtuel pour orienter ses camarades. Un collectif de jeunes de Yopougon peut optimiser la logistique urbaine avec un modèle prédictif. Ce ne sont pas des utopies, ce sont des opportunités tangibles, si nous posons les bons fondements ».
Les conditions d’une IA souveraine et inclusive
Pour Redda Ben Geloune, si la Côte d’Ivoire ne code pas, elle prend le risque de « subir » les avancées technologiques des autres. Mais pour que cela n’arrive pas, il présente trois conditions à remplir. La première est l’accès à des données locales, ouvertes, éthiques et de qualité.
« Celui qui collecte, stocke, traite et entraîne des modèles IA à partir de ses propres données détient un pouvoir de création, d’influence et de décision. Nous ne pouvons pas laisser nos données sensibles, éducatives, sanitaires, économiques, agricoles, etc., devenir des ressources brutes extraites et raffinées ailleurs. Nos données doivent être stockées localement, protégées localement et valorisées localement », a-t-il prévenu.
La deuxième condition, c’est la mise en place d’une infrastructure de calcul souveraine, incluant des centres de données locaux et un cloud de confiance. La troisième condition, c’est la formation massive de la jeunesse avec des programmes éducatifs adaptés aux besoins du marché.
Il a donné des exemples concrets : « À travers des initiatives comme les modèles dits à développer dans le cadre du CI20 ou les projets éducatifs portés par DigiFemmes ou l’ESATIC, nous voyons déjà naître quelque part les fondations d’une souveraineté numérique ivoirienne ».
150 millions de dollars d’investissement de l’IA en 2024
Le train est déjà en marche et la Côte d’Ivoire doit hâter le pas. Redda l’affirme en s’appuyant sur les efforts fournis par les autres pays. Les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et des pays du Moyen-Orient investissent des centaines de milliards de dollars dans l’IA.
« En Chine, on vise la formation d’un million de talents d’ici à 2026 pour soutenir la vision d’autonomie technologique. Dans l’Union européenne, on déploie le programme Invest AI avec plus de 200 milliards d’euros pour soutenir une IA éthique, souveraine et inclusive. Face à cette dynamique, l’Afrique n’a mobilisé qu’environ 150 millions de dollars dans l’IA en 2024 », a-t-il déploré.
Toutefois, a-t-il nuancé, rien n’est perdu. Former un jeune à l’IA aujourd’hui, c’est former un stratège et un défenseur de la souveraineté du pays. Il appelle donc la jeunesse ivoirienne à innover, à coder, à créer des modèles d’intelligence artificielle adaptés à nos réalités africaines et conçus pour répondre à des besoins africains.
« Chers jeunes, vous n’êtes pas en retard. Vous êtes à l’aube d’une nouvelle ère. Mais cette vague ne vous portera pas seul. Vous devez innover, coder, corriger », a-t-il lancé comme appel aux jeunes à la fin de son speech.