Bloom, une nouvelle fintech ivoirienne, agrément en poche, s’apprête à lancer ses services sur un marché déjà très concurrentiel. Son président, Souleymane Diallo, dévoile les atouts de cette solution et sa vision d’un écosystème numérique plus structuré. Interview exclusive.
Face aux autres solutions de paiement, quel est l’élément disruptif de Bloom ?
Notre signature, c’est la carte-cadeau, une première en Côte d’Ivoire. Jusqu’ici, il n’était pas possible d’offrir une carte prépayée à quelqu’un. Avec Bloom, vous pouvez désormais acheter une carte prépayée, digitale ou physique, et l’envoyer à la personne de votre choix, pour un anniversaire, un mariage ou simplement pour faire plaisir. Ces cartes, adossées au réseau Mastercard, sont utilisables en ligne et en magasin. C’est une nouvelle manière de penser le don et le paiement.
Quelles évolutions prévoyez-vous pour rester compétitifs dans les deux prochaines années ?
Nous voulons proposer les meilleures expériences de paiement, mais aussi des avantages exclusifs à nos abonnés via un réseau de partenaires, les restaurants, hôtels et boutiques notamment. Par ailleurs, avec Bloom Business, nous ciblons les entreprises en leur offrant la possibilité d’émettre des cartes de fidélité et des cartes prépayées pour leurs employés ou leurs clients.
Nous travaillons aussi sur le paiement sans contact, pour permettre de régler des achats via mobile sur un TPE, ce qui reste difficile aujourd’hui. Et bien sûr, nous préparons notre expansion dans la zone UEMOA, à partir de la Côte d’Ivoire.
La BCEAO travaille à rendre interopérables les acteurs du mobile money dans l’espace UEMOA. Quelle est votre position sur ce chantier ?
Nous y sommes favorables. D’ailleurs, Bloom vient d’obtenir son agrément d’établissement de paiement, devenant la troisième fintech de l’UEMOA à l’obtenir. Cela renforce la confiance des partenaires, des clients et du secteur bancaire.
L’interopérabilité permettra aux banques, fintechs et établissements de crédit de communiquer entre eux pour faciliter les transactions. Dans un environnement de plus en plus digital, c’est une excellente avancée. Nous, nous sommes parfaitement alignés sur cette vision de la banque centrale.
Certains acteurs estiment que l’interopérabilité pourrait fragiliser les fintechs, notamment à cause de la baisse des marges. Qu’en pensez-vous ?
Tout dépend du modèle économique. Offrir un service gratuit ou à très bas prix sans pouvoir couvrir ses charges, ce n’est pas viable. Chez Bloom, nous proposons un service innovant, avec un juste prix. Le client est prêt à payer si la valeur perçue est au rendez-vous.
Pour les fintechs existantes, je pense que c’est l’occasion de se réinventer pour arriver à offrir des services de qualité au juste prix. Mais là encore, il faut vraiment que le service soit à la hauteur de ce que le client est prêt à payer. Et c’est comme ça que l’ensemble de l’écosystème va pouvoir se développer. L’objectif n’est pas de compter sur des fonds permanents pour couvrir les charges pour survivre, mais d’utiliser ces investissements pour développer des services solides et durables.
Quelles mesures avez-vous prises pour garantir la sécurité des comptes utilisateurs ?
La sécurité est une priorité. L’obtention de notre agrément a nécessité plus d’un an de vérifications sur nos capacités techniques et opérationnelles. Notre application est conforme aux normes PCI-DSS et ISO 27001, et hébergée dans un data center Tier 3 en Côte d’Ivoire. C’est un choix fort en faveur de la souveraineté des données. Nous avons aussi engagé les démarches auprès de l’ARTCI pour la conformité sur la protection des données personnelles. L’application intègre des mesures comme l’authentification multifacteur.
Pourquoi avoir choisi Mastercard comme partenaire ?
Mastercard aujourd’hui, c’est un choix qu’on ne regrette pas. Le groupe nous accompagne au quotidien, en termes de conformité, de développement futur, et de conseils stratégiques. Ensuite, Mastercard, c’est l’une des plus grosses sociétés de paiement au monde. Donc nos cartes seront utilisables dans plus de 200 pays dans le monde pour toutes transactions.
Quelle innovation proposez-vous pour enrichir l’expérience utilisateur ?
La carte cadeau personnalisable est notre innovation phare, vous choisissez un modèle, définissez un montant, l’envoyez via WhatsApp, et le bénéficiaire reçoit une carte Mastercard utilisable immédiatement. Nous allons plus loin avec des cartes 100% personnalisables (couleur, image, message), des cartes cadeaux de groupe et un système de messagerie intégré, BloomChat, pour échanger et transférer de l’argent gratuitement en temps réel.
Comment diversifiez-vous vos services ?
Nous partons avec un produit disruptif, mais restons à l’écoute. Notre roadmap prévoit l’ajout de fonctionnalités liées à la gestion des dépenses, à la fidélisation et à des outils adaptés aux besoins réels des utilisateurs, sans copier ce qui existe déjà.
Quels sont les défis pour l’expansion de Bloom en Afrique de l’Ouest ?
Le premier défi est réglementaire, l’obtention des agréments nécessaires pour opérer dans chaque pays de la région représente un processus complexe et potentiellement long, avec des exigences variables et des administrations parfois lentes. Chaque pays dispose de ses propres lois et régulations financières, ce qui nécessite une compréhension approfondie et une adaptation méticuleuse pour assurer la conformité. Les licences bancaires, en particulier, sont souvent difficiles à obtenir et sont un obstacle pour une entreprise fintech comme Bloom qui dépend de transactions financières. Le deuxième défi, c’est le défi culturel. Même si nous faisons tous partie de la même zone, chaque pays a ses réalités, sa culture. Donc, il ne s’agit pas de dupliquer ce que nous allons développer ici. Il faudra l’adapter aux réalités locales.
Aussi y a-t-il les défis de partenariat avec les banques locales. Nouer des alliances solides est nécessaire pour faciliter les transactions, accéder aux infrastructures de paiement et gagner la confiance des utilisateurs. Établir ces partenariats peut être complexe en raison de la concurrence et de la réticence des acteurs traditionnels à collaborer avec les fintech.