Philippe Kouamé est le directeur de la confiance numérique, de la sécurité des réseaux et de la protection des données à caractère personnel à l’Agence de régulation des télécommunications/Tic de Côte d’Ivoire (ARTCI). À Africa Open Innovation Summit, le 20 octobre 2022, au Radisson-Blu Abidjan, il a donné l’assurance que la Côte d’Ivoire est bien partie pour atteindre la souveraineté numérique. Explications !
Quels sont les éléments essentiels à la confiance numérique ?
D’abord, la gouvernance des données. Ensuite, la confiance dans les infrastructures déployées, la sécurité des infrastructures et la haute disponibilité. Enfin, la souveraineté et dans les données, et dans les infrastructures. Dès lors que les infrastructures sont détenues par d’autres entités que l’Etat, on n’est plus vraiment dans la souveraineté des données.
En Côte d’Ivoire, les infrastructures numériques ne sont pas toutes détenues par l’Etat. Des sociétés privées comme Orange et MTN en détiennent autant, sinon plus. Cela ne pose-t-il pas un problème de souveraineté ?
Ah non ! L’État détient des infrastructures. Nous avons des data center public qui existent, et les données sensibles de l’État y sont hébergées. Maintenant, il y a une initiative qui est en cours pour mutualiser l’ensemble des data center publics-privés, pour en faire un data center gouvernemental, de sorte que l’administration puisse héberger l’ensemble de ses données dans ces data center. Et ceux-ci vont être bel et bien encadrés par le gouvernement avec des critères de niveau de sécurité élevés. Tout ce travail est en cours en ce moment.
Peut-on dire que la Côte d’Ivoire est bien partie pour atteindre la souveraineté numérique ?
Oui, la Côte d’Ivoire est partie, en termes d’arsenal juridique, donc de cadre réglementaire. Il y a, par ailleurs, un début de mise en œuvre de tout ce qui est infrastructures digitales. En plus, il y a une prise de conscience au haut niveau de ce qu’on appelle la gouvernance des données. Cette prise de conscience permet à l’Etat de porter certains projets qui doivent être portés en amont de la transformation et de digitalisation de l’administration.
Dans un monde interconnecté, le numérique ayant brisé toutes les frontières, la souveraineté numérique a-t-il, au fond, un sens ?
Vous savez, les données ont un coût très élevé. La donnée a une valeur économique. L’objectif, en général, lorsqu’on parle de souveraineté, n’est pas d’empêcher la circulation de cette donnée. L’objectif, c’est plutôt la sécurisation de cette donnée. Ma donnée peut être hébergée hors de la Côte d’Ivoire, mais il faudrait que cette donnée qui est, d’abord, ma propriété, ensuite, la propriété du gouvernement, soit sécurisée, de sorte qu’elle ne puisse pas être exploitée sans mon consentement. Dès lors que je dois donner mon consentement et mon aval avant exploitation, je deviens souverain sur ma donnée. Donc, quel que soit l’endroit où elle se trouvera, je serai toujours souverain sur ma donnée.
Héberger la donnée localement ne coûte-t-il pas plus cher que l’héberger à l’extérieur, surtout que les infrastructures, en Côte d’Ivoire, par exemple, sont moins développées que dans les grands pays ?
C’est vrai qu’investir dans des infrastructures sécurisées et sûres a un coût. Mais pourquoi, aujourd’hui, l’ensemble des GAMAM (Google, Amazone, Méta, Apple, Microsoft), ces grandes structures, sont à l’affût des données ? Eh bien, parce que cette donnée a une valeur financière énorme. Ainsi, je peux investir dans des infrastructures à un coût élevé, ainsi lourd à supporter, mais mon retour sur investissement sera encore plus, c’est que toutes ces structures qui ont besoin de la donnée pour évoluer dans leur milieu, vont devoir me payer. Donc, à moment donné, elles vont nous permettre de rentabiliser l’investissement dans les infrastructures.
Entretien réalisé au AOIS
Par K. Bruno