Sylvio Contayon est Régional Manager chez Oval Finances, une fintech panafricaine spécialisée dans les paiements basés sur la technologie blockchain. Il a des solutions technologiques, notamment la blockchain, pour lutter contre la criminalité financière et le blanchiment de capitaux en Côte d’Ivoire, et ainsi sortir le pays de la liste grise du GAFI (Groupe d’action financière). La suite dans cette interview exclusive.
La Côte d’Ivoire est sur la liste grise du GAFI (Groupe d’action financière). Qu’est-ce que cela veut dire ?
Effectivement, la Côte d’Ivoire est inscrite sur la liste grise du GAFI, qui est la dernière place avant la liste noire. Cela signifie qu’il y a dans le pays un fort taux de criminalité financière, de blanchissement de capitaux, d’argent. Je pense que c’est dû au fait que ces derniers temps, il y eu des transactions financières qui n’ont pas été captées, qui n’ont pas été tracées.
Quand c’est comme ça, le GAFI recommande à l’ensemble de ses membres de mettre en place des systèmes pour tracer les transactions. Si les transactions ne sont bien tracées, l’Etat-membre du GAFI peut être dégradé.
Tracer les transactions, qu’est-ce que cela implique ?
Tracer une transaction, cela signifie d’abord, que l’Etat doit connaitre l’origine des fonds de la transaction, et la destination de ces fonds, c’est-à-dire à quoi elle va servir ou si voulez le débouché. Si j’envoie 100000F à quelqu’un, d’où mes 100000F viennent ? Est-ce qu’ils viennent de mon salaire ? Est-ce qu’ils viennent d’une activité commerciale ?
Et quand j’envoie les 100000F chez X, qu’est-ce que X va en faire et pourquoi je les lui envoie ? Est-ce que c’est un don, un échange commercial, un prêt ? Si on n’arrive pas à tracer l’origine et le débouché de la transaction, ça pose un problème, et c’est cela que le GAFI regarde pour blâmer un pays.
Comment la Côte d’Ivoire peut-elle sortir de la liste grise du GAFI ?
Avec beaucoup d’engagement et un système collaboratif entre les régulateurs et les fintechs parce qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de fintechs qui exercent en Côte d’Ivoire mais qui ne sont pas dans un cadre réglementaire parce que justement ce cadre réglementaire n’existe pas. Or, ces fintechs détiennent des transactions.
Elles ne travaillent pas sans avoir enregistré sur une data base toutes les transactions et tous les clients avec lesquels elles collaborent. Donc, s’il y a un système collaboratif, ces fintechs peuvent communiquer aux régulateurs les transactions qu’elles effectuent.
A quels régulateurs faites-vous allusion ?
Régulateurs, c’est la CENTIF, la Cellule nationale de traitement des informations financières qui est la cellule de renseignements financiers (CRF) de la Côte d’Ivoire pour lutter contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. C’est aussi l’ARTCI pour tout ce qui concerne la protection des données personnelles.
C’est le pôle pénal économique et financier, c’est la Banque centrale, c’est le ministère de la Transition numérique et de la Digitalisation, le ministère des Finances et du Budget, etc. En collaborant, ils peuvent alors mettre en place des outils de vérification, de contrôle et de détection des transactions frauduleuses.
Dans votre spécialité de fintech, qu’est-ce que vous proposez concrètement ?
Moi, je suis spécialisé dans la blockchain. Nous, on peut dire au gouvernement, on utilise dans nos transactions, tel outil qui permet de contrôler toutes les transactions qui se font en cryptomonnaie. Si on travaille avec un client qui émet une transaction frauduleuse, notre outil va nous le signaler. Et on peut envoyer un reporting au CENTIF avec l’historique de la transaction.
On peut former les administrations sur nos outils pour qu’elles les intègrent dans leurs systèmes de contrôle, de sorte qu’aucune transaction n’échappe au système. Si on le fait, ce sera un bon début pour sortir de la liste grise du GAFI.
Entretien réalisé par K. Bruno
