À l’occasion des Journées du droit numérique, les 22 et 23 mai 2025, à la Maison de l’entreprise, à Abidjan-Plateau, Mohamed Sounkéré, directeur général de Veone, une entreprise technologique, a accordé une interview exclusive à Digital Mag. Pour lui, « à partir du moment où on bascule sur le full numérique, il faut que les systèmes fonctionnent et que les usagers soient informés de leurs droits ».
Quelle est votre appréciation des Journées du droit numérique ?
Moi, je suis, en tout cas, très satisfait de cette journée dans le sens où il était important pour les usagers de savoir ce qui était opéré en termes de transformation au niveau du gouvernement parce que quand on prend nos différentes administrations aujourd’hui, que ce soit l’ANSSI, que ce soit la SNDI, que ce soit l’ARTCI, il y a tout un chemin de gouvernance sur les questions du numérique qui est mis en place.
Et nous, en tant qu’opérateurs privés, on se réjouit de participer et de s’associer à cet événement. C’est le moment pour nous de comprendre exactement les transformations qui sont opérées, à quoi ressemble aujourd’hui le schéma de gouvernance de façon globale. Nous, en tant qu’opérateurs, notre objectif est de proposer des solutions adaptées pour accompagner la transformation digitale des entreprises. Donc oui, c’est une belle initiative.
Qu’attendez-vous de cette Journée ?
Il faudra la vulgariser pour que les usagers soient plus informés. Il faudra peut-être aussi la diffuser sur internet. Ce sont des propositions qu’on fera aux organisateurs pour qu’à l’issue de deux journées comme ça où on retrouve en fait tous les acteurs du numérique, du secteur privé et du secteur public, qu’on puisse ensemble crier haut et fort que voici ce qui est en train d’être opéré, voici ce en quoi les usagers sont en droit d’être informés pour qu’après ils ne se retrouvent pas en déphasage par rapport aux décisions qui sont prises par l’État.
Quelles sont les actions de Veone en termes de protection des droits numériques des utilisateurs de vos solutions ?
C’est notre cœur de métier. En fait, Veone c’est trois axes d’activité essentiellement. Nous sommes l’un des acteurs les plus importants dans l’édition de logiciels sur mesure pour les entreprises privées et publiques. Nous sommes également fournisseurs et opérateurs de cloud souverains. Ça veut dire que nous hébergeons localement sur des datacenters en Côte d’Ivoire, les données des Ivoiriens et des administrations publiques. Et troisièmement, nous sommes opérateurs cloud universels parce que nous sommes aujourd’hui l’un des premiers acteurs à être agréés ICANN au niveau international, donc nous avons la possibilité de commander, héberger et fournir des noms de domaine à l’international.
Quels sont les défis de la protection des droits numériques ?
Je pense que l’un des plus gros problèmes, c’est le fait que les citoyens ne soient pas au fait des transformations qui s’opèrent. C’est-à-dire qu’on se retrouve avec des citoyens et des usagers qui ne savent pas, en termes de loi, ce qui est pris comme décisions, ordonnances. Et donc, après, ils se laissent aller à de l’invention ou à de l’insatisfaction par rapport à l’évolution, aux efforts qui sont consentis. Je suis bien placé pour vous dire que beaucoup d’efforts sont faits, mais qui sont méconnus. Donc, à la fin, pour le citoyen lambda, il n’y a pas grand-chose qui évolue.
Pourtant, aujourd’hui, par exemple, nous sommes en train de passer à la facture électronique au niveau des impôts. Mais, qui dit facture électronique aux impôts, dit boom du e-commerce parce que notre secteur e-commerce est, quasiment, dans l’informel, puisqu’aucune facture émise dans le cadre d’une transaction électronique sur du e-commerce n’était valable aux impôts. Du coup, il y avait une perte en termes de revenus collectés par notre administration. Et il y avait également un problème de dématérialisation du e-commerce.
Le e-commerce, c’est quelque chose de virtuel, mais à partir du moment où je dois donner une facture électronique, ça signifie que je dois me poser dans un bâtiment, avoir une imprimante, avoir un sticker, et ça complique un peu la productivité au niveau de ces nouveaux secteurs émergents, qui sont des secteurs dans lesquels, à la fin, les populations peuvent se retrouver de bons entrepreneurs. Aujourd’hui, on veut des entrepreneurs, on veut que tout le monde arrive à se créer son propre emploi. Pour moi, ça peut passer par le e-commerce, à condition qu’on demande aux entrepreneurs de se formaliser, mais pas de leur demander d’avoir un bâtiment, des boutiques, pour faire le e-commerce.
Après, tout ce qui pourrait être pris comme mesure d’accompagnement ou loi, pour faciliter les transactions virtuelles de façon globale, et surtout, y mettre de la confiance, peut suivre. Ainsi, si moi, je produis une facture électronique à un usager, qu’il soit en droit de l’accepter et qu’il soit en droit et en capacité de la faire valoir devant un tribunal, au cas où il y a un problème au niveau de notre transaction.
Quelle autre méthode pour informer les usagers que derrière chaque action numérique, un droit s’applique ?
Je pense qu’on n’a pas suffisamment de communication au niveau gouvernemental. Mais je pense que c’est ce que le ministère de la Transition numérique et de la Digitalisation est en train de corriger. Ça, c’est la première chose. Deuxièmement, je pense qu’il faut que les entreprises privées se l’approprient. Si les entreprises privées, qui sont les prestataires auprès des usagers, s’approprient toutes les décisions et sont capables de relayer clairement l’information auprès des usagers, ceux-ci ne pourront plus dire « je ne savais pas que… »
C’est le gros défi dans toute transaction. Moi, je connais des personnes qui disent : « on m’a volé de l’argent sur mon mobile money ». Mais, si ces personnes entendent au cours d’une journée comme Les Journées du droit numérique, qu’elles peuvent porter plainte et que ça va aboutir parce qu’on va attraper la personne qui a volé, même si c’est 100 francs, ça change la donne. Il faut donc donner la bonne information. Et à partir du moment où tout le monde est informé, il faut également que les systèmes mis en place fonctionnent.
A partir du moment où on bascule sur le full numérique, il faut que ça marche. Donc, si ça fonctionne, qu’on s’est correctement approprié les possibilités et les capacités et que l’écosystème crée de l’émulation pour aller vers ces transactions électroniques, que ce soit au niveau documentaire ou au niveau financier, que ce soit au niveau du commerce ou autre chose, je pense que le tour sera joué.