Dans la consommation de musique, nous avons assisté, ces 5 dernières années, à une transformation digitale bénéfique pour les artistes et pratique pour les mélomanes. Nous sommes en Côte d’Ivoire, en plein dans l’ère du stream. Les plateformes de streaming ont progressivement remplacé les formats physiques comme les CD et les clés USB. Gros plan sur le streaming, la nouvelle habitude digitale des Ivoiriens.
Genèse de la digitalisation de la musique
La digitalisation de la musique est passée par plusieurs étapes. Les supports audio sont passés des vinyles aux cassettes, puis aux CD (compact disc), aux clés usb et carte mémoire, aux sites internet d’écoutes et de téléchargement, et enfin aux plateformes de streaming. Les artistes et les mélomanes se sont adaptés progressivement à ses changements au fil du temps. Mais l’exode sur les plateformes de streaming a pris du temps, et n’est pas toujours optimal.
Entre 2012 et 2015, les géants comme Spotify, Deezer ont ouvert leurs services en Afrique, avec un nombre de pays restreint. En Afrique subsaharienne, seuls le Nigeria, le Kenya et l’Afrique du Sud étaient éligibles aux abonnements de ces deux plateformes. Cette décision des géants de ne pas exporter leur solution à tout le continent est justifiée par le taux d’inclusion numérique et le taux de bancarisation des pays de l’Afrique subsaharienne. Mais dans les années qui ont suivi, avec les efforts de plusieurs États pour rattraper la révolution numérique, les plateformes de streaming proposent leurs services avec une tarification adaptée.
Les plateformes de streaming les plus utilisés par les Ivoiriens
En 2022, Boomplay entre officiellement en Côte d’Ivoire avec pour icône le rappeur ivoirien Didi B, qui est actuellement l’artiste le plus streamé de la plateforme. Boomplay, contrairement aux autres, est exclusivement réservé au continent africain. C’est d’ailleurs cette initiative qui a favorisé la démocratisation du streaming en Côte d’Ivoire. Les applications de musique en streams les plus utilisées en Côte d’Ivoire sont au nombre de 4 : Boomplay, Apple Music, Spotify et Deezer.
YouTube Music, Audiomack, SoundCloud et Shazam se partagent le reste des utilisateurs. Pour le moment, Boomplay draine le plus du monde grâce à sa formule gratuite. Les utilisateurs peuvent écouter de la musique sans abonnement. Le succès de BoomPlay tient justement à sa formule gratuite, financée par la publicité et à son catalogue de plus de 70 millions de titres. La formule premium débute à partir de 2,99 dollars par mois, soit environ 2000 FCFA. Spotify aussi débute avec la même formule, tandis que Deezer et Apple Music démarrent respectivement avec 11,99 dollars (environ 7600 FCFA) et 3,29 dollars (environ 2100 FCFA).
Les utilisateurs face à la transition digitale de la musique
Pour mieux comprendre les raisons de cette ruée au streaming en musique, nous avons recueilli quelques propos dans le cadre d’une enquête express. Les questions sont les suivantes : Comment écoutez-vous de la musique actuellement ? Si vous utilisez une plateforme de streaming, quelles sont les raisons de cette nouvelle habitude de consommation ? Le cas échéant, pourquoi ? Comment avez-vous vécu cette transition digitale de la musique ?
Edith Brou, journaliste et bloggueuse spécialisée dans le digital répond :
1 – J’écoute la musique sur Spotify et sur YouTube via mon téléphone.
2 – C’est moins cher et c’est plus intuitif.
3 – Je ne m’en rappelle pas, ça fait plus de 20 ans que je suis abonnée à des plateformes de streaming.
Grâce Poudiougo, rédactrice web SEO et étudiante en Master 1 de droit privé dit :
1- J’écoute actuellement la musique sur une plateforme de streaming, en l’occurrence Spotify.
2- J’utilise cette plateforme en raison de la diversité de l’offre, on y trouve un nombre pléthorique d’artistes et de genres musicaux. Il y a aussi le coût de l’abonnement mensuel qui est très abordable (2000 FCFA) et les propositions musicales de la plateforme qui sont parfois intéressantes. La dernière raison, c’est que ce moyen d’écoute est très pratique, pas besoin de s’encombrer avec des CD ou des clés, la musique est accessible en seulement quelques clics.
3- J’ai vécu cette transition digitale assez facilement étant jeune et un peu imprégnée dans tout ce qui est numérique et technologie.
Akmel Meledje Jean-Luc, professeur de SVT :
1 – J’écoute la musique en ligne.
2 – j’ai une playlist bien établie plus d’interruption, on kiffe les albums de plusieurs artistes et on achète leurs produits de manière prompte.
3 – Franchement moi, je le vis de la meilleure manière et je me sens épanouie.
Plateformes de streaming et rentabilité pour les artistes
« Les pirates bouffent pendant que les artistes souffrent. J’ai ton CD à la maison, mais est-ce que c’est l’original. On a diminué, pour l’amour de Dieu, ne nous parlez pas de la crise, c’est pas eux qui chantent oh ». Ce cri de cœur du groupe ivoirien Les Patrons, extrait du titre “Affairage” de l’album Cœur Blanc (2012), donnait l’état des lieux de cette époque. Les artistes peinaient à écouler leurs œuvres et étaient confrontés au piratage. La principale cause était les canaux de distribution des œuvres qui étaient très limités.
Les mélomanes n’avaient pas d’autre choix que de se tourner vers des revendeurs peu licites pour écouter leur musique. Ce phénomène a continué sur les sites illégaux de téléchargement de musique. Les artistes comptaient principalement sur leurs spectacles pour vivre de leurs passions. Depuis les cinq dernières années, avec l’essor des plateformes de streaming, l’accès aux œuvres musicales est simple et facile. Par ricochet, les artistes gagnent un peu mieux qu’avant, puisque chaque écoute génère de l’argent. Le montant varie en fonction des applications, comme suit :
Rémunération des plateformes par stream :
- Apple Music : 0,0086 €
- Deezer : 0,0046€
- Amazon Music : 0,0043 €
- Spotify : 0,0028 €
- YouTube Music : 0,0014 €
Ces chiffres peuvent varier selon plusieurs paramètres. Spotify rémunère les artistes 0,0028 € par stream en moyenne. Cela correspond à une répartition approximative des revenus de 70/30 – donc c’est 70 % à l’artiste/aux ayants droit et 30 % pour la plateforme. Ainsi, une chanson écoutée un million de fois rapporte environ 1 279 362 FCFA à l’artiste sur Spotify. La transformation digitale dans la sphère musicale est consommée. Elle continue de s’étendre grâce à la bancarisation rendue accessible par Djamo, Push et les autres portemonnaies électroniques. Aussi faut-il attribuer cette transition à la qualité de la couverture du réseau internet du pays.
James Kadié